Le Parti conservateur a longtemps eu un problème avec les drogues.

Sous Stephen Harper, la formation politique diabolisait tellement ces substances qu’elle est allée jusqu’à tirer dans les jambes de ceux qui aidaient les plus vulnérables. Il y a dix ans, le gouvernement Harper s’est battu jusqu’en Cour suprême pour faire fermer un centre d’injection supervisée à Vancouver.

Cette approche dogmatique et inhumaine a été sévèrement dénoncée par le plus haut tribunal au pays. Malgré la rebuffade juridique, Stephen Harper a continué avec la méthode dure, misant sur l’augmentation des budgets policiers et la hausse des peines pour les contrevenants pour lutter contre les drogues.

Voilà pourquoi, une décennie plus tard, les propos d’Erin O’Toole sonnent comme le début d’une révolution au sein du parti. Une révolution drôlement bienvenue.

Le week-end dernier, l’actuel chef conservateur s’est rendu dans un centre de traitement des dépendances de la région de Vancouver. Et il a, ô surprise, tenu des propos sensés sur la grave crise des opioïdes qui frappe le pays.

En plus de préciser qu’il ne se battrait pas contre les centres d’injection supervisée, le chef conservateur a clairement affirmé que les problèmes de dépendance relevaient de la Santé publique et non du système de justice.

« Quelqu’un qui a une dépendance ne devrait pas être puni, mais bien aidé », a-t-il dit, plaidant pour une « approche de compassion envers les toxicomanes ». Pour un parti qui considérait jusqu’ici ces gens comme des criminels, il s’agit d’une volte-face majeure.

Les propos de M. O’Toole ont aussi l’avantage de braquer les projecteurs sur une épidémie criante qui a malheureusement été éclipsée par la COVID-19. En moyenne, 17 Canadiens meurent chaque jour d’une surdose liée aux opioïdes. Actuellement, c’est plus que les décès liés à la COVID-19.

Si le problème a longtemps épargné le Québec, ce n’est plus vrai. Au centre d’injection supervisée CACTUS, à Montréal, on intervenait auparavant environ une fois par semaine pour des cas de surdoses. Les interventions sont maintenant quotidiennes.

Entre avril 2020 et mars 2021, l’INSPQ a documenté 530 vies fauchées dans la province à cause de surdoses de drogues. La pointe de l’iceberg d’un drame qui touche toutes les couches de la société, dont de nombreux malades devenus accros aux opioïdes après s’être vu prescrire des antidouleurs.

Si l’évolution du Parti conservateur est à saluer, elle est encore incomplète. La formation a annoncé des investissements de 325 millions pour créer 50 centres communautaires et 1000 lits pour les toxicomanes au pays.

Or, ceux qui travaillent auprès des victimes de dépendance sont sceptiques. Ils s’inquiètent que les thérapies de sevrage soient perçues comme des solutions magiques capables de « guérir » les toxicomanes.

« C’est comme dire qu’on va traiter l’obésité en imposant une diète stricte de six mois à tous les obèses » compare Dre Julie Bruneau, chercheuse en toxicomanie au CHUM.

En réalité, nombre d’utilisateurs de drogues ne présentent pas les conditions de vie nécessaires au succès de ces thérapies. D’où l’importance de la prévention et de la réduction des méfaits.

Il reste finalement le grand tabou de la décriminalisation des drogues. Décriminaliser l’usage de substances comme l’héroïne peut paraître choquant, mais c’est la solution prônée par à peu près tous ceux qui se sont penchés sur la question – y compris les corps policiers, les agences de santé publique et l’Organisation mondiale de la santé.

Le NPD a déposé un projet de loi en ce sens, mais il a malheureusement été défait. Les députés bloquistes et conservateurs ont voté contre, ainsi qu’une partie des députés libéraux.

Les propos récents de M. O’Toole montrent que les mentalités évoluent concernant la dépendance aux drogues. Mais il reste encore à se défaire de certaines idées préconçues pour que la thérapie soit complète.

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