Avez-vous remarqué ? Les manifestants contre les mesures sanitaires semblent avoir eu jusqu’ici la présence d’esprit de ne pas traiter les membres du gouvernement Legault de talibans. 

Bon nombre de ces manifestants semblent convaincus qu’ils vivent désormais, ici, sous une dictature. Mais ils ont probablement compris, en s’informant sur ce qui se passe là-bas, que leur vie n’a rien à voir avec ce qui attend les Afghans.

Ça ne veut pas dire, par contre, que la démagogie est chose du passé pour une partie de ce mouvement. Au contraire. La preuve, c’est qu’on a vu au cours des dernières semaines apparaître des étoiles jaunes lors des manifestations au Québec.

Jusqu’à un certain point, ce n’est pas étonnant. Ce délire avait déjà été constaté lors d’évènements similaires en Europe. On ne fait que le recycler ici.

Mais si on ne s’en étonne pas, on ne peut qu’être « dégoûté » par ce geste, comme l’a dit la semaine dernière le ministre responsable de la Lutte contre le racisme, Benoit Charette.

Le détournement de ce symbole est une insulte à l’intelligence. C’est aussi un geste indécent. Que ce soit prémédité ou non, c’est une banalisation de la haine qu’on ne peut pas tolérer.

Ceux qui affichent fièrement ce symbole sont en train d’alléguer que nous sommes, au Québec, persécutés comme les Juifs durant la Seconde Guerre mondiale.

C’est grossier.

Cet épisode est désespérant… mais pas complètement.

La controverse a poussé un des leaders du mouvement de protestation contre le passeport vaccinal à échanger avec Daniel Amar, le directeur du Musée de l’Holocauste de Montréal, établissement devant lequel une manifestation était prévue cette semaine.

Résultat : après cette rencontre, le manifestant a promis de ne plus porter l’étoile jaune, annulé l’évènement devant le musée et encouragé les autres protestataires à faire de même, a rapporté le Journal de Montréal vendredi.

Puisse-t-on espérer que son appel sera entendu.

« Je lui ai expliqué que l’étoile jaune était un passeport pour la mort alors que le passeport sanitaire est un passeport pour la vie », nous a raconté Daniel Amar. Il a qualifié de « courtoise » cette conversation avec le militant.

« Je dois vous avouer que je n’ai pas vu du tout de haine, mais beaucoup plus une forme d’ignorance », a-t-il précisé.

Tant mieux.

Tant mieux parce que l’antisémitisme effectue un retour en force depuis quelques années. Et le phénomène a été amplifié par la pandémie, confirme le directeur du Musée de l’Holocauste.

Le sociologue Gérald Bronner, spécialiste des croyances collectives, a été appelé à commenter ce phénomène en France récemment. Il a expliqué qu’en ces temps d’incertitude, on cherche à trouver des responsables de nos malheurs.

« Et c’est ça qu’on voit fleurir dans les dernières manifestations : derrière cette question, on va désigner des groupes constitués, et donc les vieux serpents de mer de l’imaginaire humain, les Juifs, les francs-maçons, les élites, le système. C’est le biais d’intentionnalité : on crée une entité pensante qui est derrière les évènements détestables. Et les vieux thèmes populistes antisémites vont fournir la narration qui paraît la plus convaincante à ces gens », a-t-il déclaré dans les pages du Journal du dimanche.

Autrement dit, comme Don Quichotte qui voulait se battre contre des moulins à vent, on est en train de se créer des ennemis imaginaires. Et les boucs émissaires sont en général toujours les mêmes, au fil des ans et des crises.

Si seulement, malgré les belles promesses des Mark Zuckerberg de ce monde, les réseaux sociaux ne nourrissaient pas au quotidien la colère et le ressentiment à grands coups de dérives mensongères…

Si seulement on pouvait renouer plus souvent avec le dialogue et tirer profit de ses vertus…

Et si seulement les manifestants qui versent dans la démagogie et le complot déployaient ne serait-ce que la moitié de l’énergie qu’ils utilisent pour soutenir des causes véritablement justes et pertinentes.

Vous imaginez à quel point notre société pourrait en tirer profit !

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