En santé, si on ne fait pas le bon diagnostic, on administre rarement le bon remède.

Pourquoi le système de santé est-il à ce point sous pression ? Il n’y a aucun doute que sa gestion peut grandement être améliorée. À plusieurs égards. Mais à long terme, les provinces font aussi face à un problème structurel : Ottawa ne contribue pas assez au financement de la santé.

Le chef libéral Justin Trudeau a proposé une drôle de solution cette semaine : il offre neuf milliards sur cinq ans aux provinces pour améliorer les soins de longue durée. Il veut imposer des normes nationales et des conditions aux provinces pour toucher cet argent.

Après la crise dans les CHSLD au Québec, l’intention est louable. C’est la solution qui pose problème.

Tout d’abord, le diagnostic : il y a un déséquilibre fiscal entre le gouvernement fédéral et les provinces. En grande partie à cause de la santé, une compétence provinciale.

L’argent est à Ottawa, mais ce sont les provinces qui paient la grande partie de la facture en santé (78 % de la facture en 2021-2022). Une facture qui augmentera avec le vieillissement de la population.

Dans les années 1960, Ottawa et les provinces voulaient partager la facture de la santé à parts égales (50-50). La part d’Ottawa ne fait que diminuer depuis. Elle est aujourd’hui à 22 % des dépenses.

Les dépenses en santé (coûts de système = +4,15 % par an) augmentent plus vite que la hausse des transferts fédéraux en santé (+3,8 % par an depuis cinq ans). Si la tendance se maintient, Ottawa ne paiera plus que 20 % de la facture en 2030-2031.

De leur côté, les provinces consacrent une partie de plus en plus importante de leur budget à la santé (31 % de leurs dépenses en 1981-1982 ; 41 % en 2019-2020). C’est de loin leur poste budgétaire le plus important.

Le gouvernement Trudeau ne reconnaît pas vraiment ce déséquilibre fiscal. Comme d’autres gouvernements fédéraux avant lui, ce débat ne l’intéresse pas. Notamment parce que la solution – donner des milliards aux provinces sans condition – n’est pas intéressante électoralement. Même si cet argent permet de soigner les soignants, réduire les listes d’attente et éviter que certaines provinces se dirigent à très long terme vers un gouffre financier.

Cette fois-ci, c’est au sujet de la situation dans les CHSLD. La question n’est pas de savoir si le Québec a bien géré la première vague de la pandémie dans les CHSLD – ce fut une honte nationale –, mais si c’est au fédéral à dicter aux provinces les priorités en santé, une compétence provinciale.

Comme remède, les provinces demandent à Ottawa de couvrir 35 % des dépenses en santé.

Elles veulent qu’Ottawa passe de 22 % à 35 % immédiatement, d’un seul coup, avec un chèque de 28 milliards. Les transferts fédéraux en santé passeraient de 43 milliards à 71 milliards. Les provinces seraient libres de faire ce qu’elles veulent du chèque d’Ottawa. La hausse annuelle serait ensuite de 5 %.

Le Bloc québécois et le NPD se sont empressés d’appuyer cette demande des provinces.

Revenons dans la réalité un instant. En pratique, les provinces savent très bien qu’aucun gouvernement fédéral ne leur signera un chèque de 28 milliards par an pour combler l’écart d’un seul coup.

Elles savent aussi que leur demande de 35 % sert de base aux négociations. (Lors des dernières négos en 2016, les provinces demandaient que la part d’Ottawa passe à 25 %.)

Par contre, à long terme, Ottawa doit éponger une partie plus importante des dépenses en santé des provinces. Cette demande des provinces est parfaitement légitime.

La promesse électorale des conservateurs d’Erin O’Toole est intéressante : une hausse minimale de 6 % par an aux provinces, possiblement plus en fonction de la croissance économique.

Le Parti libéral du Canada, lui, fait continuer le suspense. On ne sait pas si les libéraux ont l’intention d’être plus généreux avec les provinces s’ils sont réélus.

L’entente actuelle entre Ottawa et les provinces prévoit une hausse de 3 % par an, plus un pourcentage supplémentaire lié à la croissance économique. Depuis cinq ans, c’est une hausse de 3,8 % par an. Justin Trudeau a repris la formule de son prédécesseur conservateur Stephen Harper.

À court terme, les provinces peuvent gérer la situation. Durant la pandémie, Ottawa leur a accordé une somme supplémentaire de 19 milliards pour des dépenses de santé. Mais cette somme n’est pas récurrente. C’est bien ça le problème.

Le plus important, c’est de renverser la tendance à long terme. Qu’Ottawa contribue davantage aux dépenses en santé. Sans poser de conditions. Ni faire de microgestion.

Par exemple, si Ottawa haussait les transferts fédéraux de 7 % par an, sa part des dépenses en santé s’établirait à 27 % dans 10 ans. À +8 % par an, on arriverait à 30 %.

Une hausse graduelle à long terme permettrait aussi au fédéral de faire les ajustements nécessaires dans ses finances. L’argent ne pousse pas non plus dans les arbres : il provient des mêmes contribuables. Si Ottawa s’engageait à donner 28 milliards par an de façon récurrente aux provinces, ce serait tout un choc budgétaire. Il faudrait faire des choix.

En trouvant une solution à long terme, tout le monde en sortirait gagnant.

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