On peut faire plusieurs parallèles entre une campagne électorale et un match de baseball. L’issue dépend à la fois du talent des protagonistes et des stratégies déployées. Ça peut parfois paraître interminable. Et « c’est pas fini tant que c’est pas fini », comme disait Yogi Berra.

Permettez-nous une autre analogie entre ce sport et les élections qui seront déclenchées dimanche : Justin Trudeau part avec une prise contre lui.

Un grand nombre de Canadiens ne sont pas d’accord avec la tenue d’élections.

Le mois dernier, un coup de sonde de la firme Léger révélait que 55 % des Québécois ne voulaient pas de scrutin en septembre (seuls 27 % disaient souhaiter un tel rendez-vous électoral).

À peu près au même moment, un sondage Nanos illustrait également le gouffre qui sépare les intentions du gouvernement libéral de celles des électeurs de l’ensemble du pays.

Pas moins de 37 % des personnes interrogées ont dit ne pas voir d’un bon œil un éventuel scrutin.

En somme, Justin Trudeau porte le fardeau de la preuve.

Et son défi, à l’aube de cette campagne, est double.

À lui de nous prouver que ces (coûteuses) élections sont essentielles et qu’il est crucial pour son parti d’obtenir une majorité au Parlement.

À lui de nous prouver qu’il possède le meilleur plan de match pour ramener à bon port le paquebot canadien après l’avoir dirigé au plus fort de la crise pandémique.

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Force est d’admettre qu’il est bien rare que les Canadiens soient aussi excités par la tenue d’élections que des enfants par un magasin de bonbons.

Et cette fois, la pandémie qui se poursuit et le variant Delta qui risque de venir jouer les trouble-fête n’ont rien pour faciliter la mobilisation de l’électorat.

En revanche, bien sûr, il est tout à fait légitime pour le gouvernement libéral – comme ce fut le cas en 2008 lorsque Stephen Harper a déclenché des élections en espérant profiter de la faiblesse de Stéphane Dion pour rafler une majorité – de dissoudre le Parlement.

Il est bien certain que la vie du gouvernement actuel serait plus simple à Ottawa s’il disposait d’une majorité.

Les libéraux allèguent que les conservateurs ont trop souvent entravé le bon fonctionnement de la démocratie parlementaire (en 2008, c’est ce que Stephen Harper avait prétexté, dénonçant alors les libéraux).

Ils ont mis des bâtons dans les roues du gouvernement, tout particulièrement au sein de certains comités parlementaires, déplore-t-on dans l’entourage du premier ministre.

On cite par exemple le projet de loi C-10 (visant notamment à forcer les géants du numérique à mettre le contenu de nos artistes en valeur sur leurs plateformes), particulièrement cher au milieu culturel du Québec. Il n’a pas pu être adopté avant la fin de la session parlementaire principalement en raison des manœuvres obstructionnistes des conservateurs.

En revanche, le fait est que le Parlement fonctionnait tout de même relativement bien (entre autres parce que le NPD ressemblait plus au petit frère des libéraux qu’à un rival qui rêve de lui ravir son trône).

Assez bien, du moins, pour que de nombreux Canadiens souhaitent actuellement préserver le statu quo. Nous l’avions d’ailleurs souligné en juin dernier.

Lisez un éditorial de Stéphanie Grammond

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Les arguments les plus convaincants pour la tenue d’un scrutin d’ici quelques semaines sont ceux liés à la gestion des affaires du pays. Elle n’a plus rien à voir avec le contexte où se sont déroulées les dernières élections, en octobre 2019.

Il y a donc un réel intérêt, pour l’électorat, en ce sens qu’il pourra comparer les programmes de chacun des partis et voir ce qu’ils proposent. Principalement au sujet de l’économie et de la santé, les deux enjeux majeurs liés à une crise sans précédent ainsi qu’à ses suites.

On en profitera notamment, il faut l’espérer, pour débattre de la teneur d’une éventuelle hausse des transferts fédéraux en matière de santé vers les provinces.

Ajoutons que la campagne permettra aussi de comparer les plans de lutte contre les changements climatiques des formations politiques, en cette année charnière pour la planète.

La conférence internationale sur le climat (COP26) qui aura lieu à Glasgow en novembre forcera chaque pays à redoubler d’efforts. On attend du Canada qu’il fasse preuve de leadership et non qu’il soit à la remorque des nations les plus dynamiques.

Depuis 2015, les gestes posés par les libéraux n’ont pas été à la mesure du défi à relever. Et les conservateurs auront fort à faire pour prouver qu’ils sont sérieux à ce sujet. Leur chef, rappelons-le, a été désavoué par les militants de son parti en mars dernier ; ils ont carrément refusé de reconnaître l’existence des changements climatiques.

Maintenant… est-ce que tout ça justifie un scrutin en septembre ?

La beauté de la chose, c’est que l’exercice démocratique qui s’annonce permettra aux électeurs de trancher la question.

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