Si la vie t’envoie des citrons, fais-en de la limonade.

En s’inspirant de cette expression anglaise, on peut extraire du positif du malheureux repêchage par le Canadien d’un jeune joueur de hockey récemment reconnu coupable d’avoir envoyé à ses coéquipiers une image prise à l’insu de sa partenaire lors d’une relation sexuelle.

Le tollé provoqué depuis une semaine par cette décision de la Sainte-Flanelle a au moins le mérite d’avoir braqué les yeux du grand public sur le phénomène du sextage qui est trop souvent pris à la légère, malgré ses conséquences parfois funestes.

Répétons-le haut et fort : le partage d’images intimes sans le consentement de la personne concernée n’est pas qu’une « grosse bêtise », une « erreur de jugement » ou une « frasque de jeunesse ». C’est un crime pur et simple, passible d’un maximum de cinq ans de prison.

Il en est ainsi depuis l’adoption en 2015 de la Loi sur la protection des Canadiens contre la cybercriminalité en réponse au suicide de deux adolescentes dont les images intimes s’étaient retrouvées sur le web.

Mais il ne faut pas croire que le sextage est strictement une affaire d’adolescents et que les femmes sont toujours du côté des victimes.

En 2020, une femme de la région de Thetford Mines a été condamnée à 10 mois de prison pour avoir transmis des photos intimes d’un homme de 56 ans qui s’est suicidé quelques heures plus tard.

Lors de leur courte relation, essentiellement virtuelle, les deux personnes avaient échangé des photos intimes. Mais la femme a perdu les pédales quand l’homme lui a dit que leur relation n’irait pas plus loin, lors de leur seule et unique rencontre en personne.

Pour se venger, elle a transmis les photos à une autre femme, bien consciente que cela pousserait au suicide l’homme qui était écrasé de honte.

Cette triste histoire démontre que même si les sextos ne constituent pas une agression sexuelle, ils violent néanmoins la vie privée et peuvent causer des dommages terribles. Et permanents. Car une fois les images sur le web, il est bien difficile de remettre le génie dans la bouteille. D’où l’importance d’intervenir rapidement pour éviter qu’elles se répandent.

À ce chapitre, il faut saluer le projet dévoilé par Ottawa, jeudi, afin de mettre sur pied un shérif de l’internet qui veillerait notamment à ce que les plateformes web retirent les images intimes non consensuelles en moins de 24 heures.

L’expérience traumatisante de femmes qui ont eu le courage de témoigner l’hiver dernier devant un comité sénatorial a prouvé qu’il faut parfois se battre durant des années pour faire retirer des vidéos du site Pornhub, ce qui est totalement inadmissible.

Dans les écoles, il faut aussi applaudir le déploiement du projet SEXTO, lancé dans la région de Saint-Jérôme en 2016. Ce programme qui a été adopté par plusieurs villes comme Québec, Longueuil et Laval mérite d’être déployé à la grandeur de la province, y compris à Montréal, Gatineau et Trois-Rivières.

En outillant les policiers et les intervenants scolaires à qui se confient souvent les jeunes en panique, le projet SEXTO permet d’intervenir à la vitesse grand V, dans un contexte de médiation. Les dossiers que la police mettait des mois à traiter sont maintenant réglés en quatre jours.

L’objectif est d’effacer les images pour réduire les dégâts.

D’éduquer au lieu de judiciariser.

Bien des jeunes l’ignorent, mais le partage d’images intimes de mineurs, même de façon consentante, est considéré comme de la possession et de la distribution de pornographie juvénile, même s’il s’agit de photos ou de vidéos de soi.

Cela fait en sorte qu’une jeune fille qui envoie de son plein gré des photos d’elle nue à son copain commet en théorie un acte criminel, tout comme son copain qui les conserve dans son téléphone.

On peut décrier cet article du Code criminel qui se retourne contre les jeunes qu’il est censé protéger. Mais au moins, il envoie aux jeunes un signal fort : tolérance zéro pour les sextos.

Ce message, il faut le marteler dans les écoles, dès le primaire, car les jeunes sont exposés à ces problèmes de plus en plus tôt : à 14 ans chez les garçons et 13 ans chez les filles en moyenne, selon les cas traités par le projet SEXTO.

Alors, si le propriétaire du Canadien, Geoff Molson, est sincère dans les excuses qu’il a présentées mercredi, il devrait s’impliquer réellement dans l’éducation des jeunes (et des moins jeunes) face au partage d’images intimes. Il devrait investir dans les organismes qui misent sur la réhabilitation et la justice réparatrice, car les jeunes qui ont commis des crimes sexuels ont droit à une deuxième chance.

Bref, en utilisant son immense pouvoir d’influence au Québec, l’équipe peut devenir un agent de changement social. Tout cela rendrait son erreur de jugement moins amère aux yeux des partisans et des commanditaires.

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