En ce 1er juillet, le Canada n’a pas le cœur à la fête. À Ottawa, les drapeaux sont en berne. De Victoria à Fredericton, des villes à travers le pays ont annulé les festivités du 1er juillet.

À Montréal, des manifestants marcheront jusqu’au pied de la statue déboulonnée de John A. Macdonald, dans le cadre d’un mouvement national de boycottage de la fête du Canada.

Mais pour avancer, il faut mettre fin à la confrontation. Il faut célébrer l’avenir, sans enterrer le passé.

Avec la découverte de centaines de tombes anonymes d’enfants sur les sites d’anciens pensionnats autochtones, le Canada ne peut plus ignorer les squelettes dans le placard de son histoire.

Notre pays qui aime se présenter comme le champion de la démocratie et de la paix sur la scène mondiale ne peut plus se bercer d’illusions. Pas plus que les États-Unis qui doivent vivre avec leur passé esclavagiste ou que l’Afrique du Sud qui doit composer avec les traces de l’apartheid.

On connaissait déjà les saintes horreurs qui se sont déroulées dans ces pensionnats durant plus d’un siècle. Le Canada a arraché 150 000 enfants autochtones à leurs parents pour les emmener dans des pensionnats, où ils ont été assimilés, maltraités et abusés sexuellement.

Des milliers y sont morts. Comble de l’ignominie, leurs corps n’ont jamais été rendus à leur famille, le gouvernement ne voulant pas payer le rapatriement. Ce sont eux dont on retrouve la trace aujourd’hui.

Ce sont eux qui provoquent une prise de conscience à grande échelle au sein de la population canadienne, même si tout cela avait été écrit par la Commission de vérité et réconciliation, en 2015.

« Connaître la vérité a été difficile, mais se réconcilier le sera encore davantage », soulignait le rapport.

On n’y arrivera pas en brûlant des églises, comme cela s’est produit dans l’Ouest canadien ces derniers jours, ni en décapitant des statues comme celle de John A. Macdonald.

Au lieu de rayer de la carte le tout premier premier ministre du Canada, il serait plus utile d’installer près de sa statue une plaque éducative qui exposerait son triste rôle dans le développement des pensionnats qui étaient, de son propre dire, le meilleur moyen de soustraire « les enfants sauvages à l’influence de leurs parents » pour qu’ils adoptent « les habitudes et les façons de penser des blancs ».

Ce n’est pas en effaçant les traces honteuses de notre histoire qu’on ira de l’avant. Au contraire, c’est en les mettant au grand jour et en alimentant le dialogue qu’on progressera vers une réconciliation.

Ce n’est pas non plus en annulant la fête du Canada qu’on corrigera les erreurs du passé. Priver les Canadiens de l’occasion d’exprimer leur fierté nationale n’effacera pas le génocide culturel des autochtones.

Et surtout, l’annulation des festivités n’apportera aucune solution aux problèmes criants auxquels il faut s’attaquer.

Faut-il rappeler que plusieurs communautés autochtones n’ont même pas d’eau potable ?

Faut-il dire que les conflits entourant les territoires autochtones et l’exploitation des ressources restent entiers ?

Faut-il souligner que le racisme systémique envers les autochtones a tué Joyce Echaquan ?

Or, l’annulation de la fête du Canada risque de braquer les gens qui auraient voulu y prendre part, ceux-là mêmes qu’on veut gagner à la cause autochtone.

Les Canadiens non autochtones sont de plus en plus favorables aux droits des Autochtones et préoccupés par la lenteur des progrès du processus de réconciliation, selon un récent sondage.

Il ne faut pas revenir en arrière. Il faut éduquer au lieu d’effacer. Expliquer au lieu d’annuler.

La fête du Canada doit être une occasion de célébrer l’avenir du pays, ensemble, dans le respect et la décence. De mettre la réconciliation en pratique. De mettre en valeur la culture autochtone. Et de réfléchir à un nouveau pacte social reposant sur une meilleure compréhension du contexte historique.

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