Frontières fermées, déplacements interdits, vols annulés. Les contraintes aux voyages sont légion à travers la planète depuis le début de la pandémie. Malgré toutes ces barrières qui se sont érigées sur leur route, les réfugiés ont été plus nombreux que jamais à fuir la guerre, la persécution et la violence.

C’est l’étonnante conclusion du plus récent rapport du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). En 2020, plus de 82 millions de personnes, soit plus de deux fois la population canadienne, ont fait leurs valises pour se mettre à l’abri. De ce nombre, 26,4 millions ont cherché l’asile dans un pays étranger. Un record sur toute la ligne.

Lisez le rapport du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (en anglais)

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Où sont allés tous ces gens, issus principalement de Syrie, du Venezuela, d’Afghanistan, du Soudan du Sud et de Birmanie (Myanmar) ? En grande majorité, dans les pays voisins – le Pakistan, la Turquie, le Liban, la Colombie –, souvent peu outillés pour recevoir des réfugiés en très grand nombre.

Qu’a fait le Canada dans ces circonstances ? Pas mal moins qu’à l’habitude. En fait, en 2020, le pays a ouvert les bras à trois fois moins de réfugiés et de demandeurs d’asile que pendant l’année précédente.

Si, en 2019, le Canada avait reçu plus de 64 000 nouveaux demandeurs d’asile, ce chiffre a chuté à 23 000 en 2020. La situation a été la même pour les réfugiés réinstallés au Canada à partir de camps du HCR à l’étranger, une catégorie différente des demandeurs d’asile. En 2019, 31 000 personnes sont ainsi arrivées au Canada. En 2020, ils n’ont été que 9200. Une goutte dans l’océan des besoins de protection.

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Cette accalmie n’a cependant pas eu que des effets négatifs. Il y avait du ménage à faire sur le pas de notre porte. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) avait accumulé une tonne d’arriérés depuis 2017, année au cours de laquelle des milliers de personnes ont traversé des États-Unis au Canada en empruntant le dorénavant célèbre chemin Roxham, en Montérégie. En 2019, ils étaient plus de 87 000 à attendre depuis plus d’un an qu’un commissaire décide s’ils obtiendront ou non la protection du Canada.

Après avoir ralenti le travail de la CISR, la pandémie, qui a marqué l’avènement du télétravail dans l’organisation, a permis aux commissaires d’accélérer la cadence. Si le rythme des premiers mois de 2021 se maintient, la CISR pourrait venir à bout de plus de la moitié de ses arriérés cette année. Du jamais-vu.

Le gouvernement a aussi promis au début du mois d’accorder plus rapidement la résidence permanente à ceux qui obtiennent l’asile. En ce moment, des délais administratifs importants ont des impacts réels sur la vie des réfugiés, qui doivent patienter souvent jusqu’à trois ans pour faire venir leur famille restée derrière dans une zone de guerre ou un camp surpeuplé. Ces délais sont aussi inhumains qu’injustifiables, et c’est donc une excellente nouvelle qu’on s’y attaque enfin.

On devra aussi se pencher rapidement sur la question de la détention des migrants. La semaine dernière, les organisations Amnistie internationale et Human Rights Watch ont publié conjointement un rapport dévastateur dans lequel elles concluaient que le pays commettait des violations des droits de la personne en détenant annuellement des milliers de migrants, dont des dizaines d’enfants en bas âge, pendant des périodes trop longues et souvent dans des prisons provinciales destinées à des criminels et non à des contrevenants à la loi sur l’immigration. Pour le moment, les autorités disent avoir pris connaissance des rapports, mais il faudra vite proposer des solutions de rechange aux pratiques dénoncées.

Lisez le résumé du rapport d'Amnistie internationale et de Human Rights Watch

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Espérons que cette année 2020 nous aura permis de prendre le recul nécessaire par rapport à notre système d’asile et d’accueil des réfugiés. Nous devons repartir sur des bases plus saines et plus efficaces dans la période post-pandémique, d’autant plus que le HCR ne prévoit pas un ralentissement des mouvements de réfugiés à travers le monde, mais plutôt une accélération.

Le moins que le Canada puisse faire, c’est d’être prêt.

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