Une langue minoritaire qui montre des signes de déclin et qu’il faut défendre.

Au Québec, c’est le cas du français – d’où le projet de loi 96, qui occupe nos conversations depuis quelques semaines.

Mais c’est aussi vrai pour l’algonquin, le micmac, l’attikamek*. En fait, même si certaines des 11 langues autochtones du Québec se portent mieux que d’autres, toutes sont menacées.

Dans certains cas, comme l’abénaquis, il reste moins d’une dizaine de locuteurs. D’autres langues, comme le malécite, sont carrément « endormies ». Plus personne ne le parle au Québec, et il faut aller au Nouveau-Brunswick et au Maine pour trouver des locuteurs.

Cette situation tragique, on n’en parle pourtant à peu près jamais. Cela dénote une indifférence et une incompréhension qui, quand on y pense, ne sont pas si différentes de celles souvent démontrées par le Canada anglais envers les inquiétudes et les revendications des francophones.

Un autre signe, s’il en fallait un, qu’on a parfois bien du mal à se mettre à la place de l’autre. Même lorsqu’on défend exactement la même chose : la protection d’une langue, qui est le socle d’une culture, afin d’en transmettre toutes les richesses aux générations futures.

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Les Premières Nations ont réagi prudemment au projet de loi 96 sur le renforcement du français au Québec. Ce dernier clame haut et fort que le français est « la seule langue officielle du Québec », ce qui n’a évidemment rien pour les réjouir.

Cela dit, le projet de loi contient des exceptions pour les langues autochtones. Le gouvernement du Québec peut notamment les utiliser pour fournir des services aux citoyens.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Point de contrôle à l’entrée du village algonquin du Lac-Simon, en Abitibi

« Les Premières Nations comprennent sans doute mieux que quiconque l’importance de conserver la langue que nous ont transmise nos parents », a indiqué l’Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador dans un communiqué, affirmant du même coup que « la survie, le développement d’une langue ne doit jamais se faire au détriment d’une autre langue ».

Il serait en effet dommage que la défense du français et celle des langues autochtones entrent en collision. Parce que ces combats n’ont pas à s’opposer.

« De toute façon, nous ne sommes clairement pas une menace », fait remarquer avec justesse Suzie O’Bomsawin, Abénakise d’Odanak.

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Le déclin des langues autochtones ne fait pas les manchettes des journaux. On réalise peu de gains politiques en s’y attaquant. C’est pourtant ce que le gouvernement Trudeau a fait.

En 2019, le fédéral a fait adopter une loi qui est passée largement sous silence, celle sur les langues autochtones. Elle reconnaît les droits linguistiques des Premières Nations et, surtout, assure un financement à long terme pour les protéger.

Le fédéral a débloqué 334 millions d’argent frais sur cinq ans pour soutenir la mise en œuvre de cette loi et assure une prévisibilité en promettant 115 millions par année à partir de 2023-2024.

Sur le terrain, l’argent sert à financer des cahiers pédagogiques rédigés en langue innue, des camps linguistiques en cri, des applications mobiles pour apprendre l’abénaquis. Des centaines de projets du genre sont déployés partout au pays.

« Ça ne règle pas tout, mais c’est positif », dit Jimmy Bossum, coordonnateur du comité régional sur les langues ancestrales au Conseil en éducation des Premières Nations.

Un processus est aussi en cours pour nommer un commissaire aux langues autochtones.

Ces initiatives nourrissent un feu qui est déjà en train de reprendre, alors que les Premières Nations vivent un regain d’intérêt pour leur culture et leurs langues ancestrales.

On peut défendre à la fois le français et l’inuktitut au Québec, tout comme les biologistes qui veulent protéger le caribou forestier ne sont pas en compétition avec ceux qui défendent le béluga. Au contraire, ces gens collaborent et s’inspirent les uns des autres.

On doit faire la même chose avec les langues.

* Nous employons la graphie suggérée par l’Office québécois de la langue française.

Les 11 nations autochtones du Québec et leur langue, selon les graphies utilisées par le Conseil en éducation des Premières Nations

Abénaquis : aln8ba8dawaw8gan

Algonquin : anishinaabemowin

Atikamekw : nehirowimowin

Cri : iiyiyuu ayimuun

Innu : innu-aimun

Malécite : wolastoqey latuwewakon

Mi’kmaq : mi’kmawi’simk

Naskapi : Iyuw Iyimuun

Huron-wendat : wendat

Mohawk : kanien’kéha

Inuit : inuktitut

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