Comme un chien qui court après sa queue, le marché immobilier s’est engagé dans une étourdissante spirale spéculative. Étourdissante et malsaine. Voyant les prix exploser de 23 % depuis un an, certains ménages devancent leur achat par crainte d’avoir à payer encore plus cher dans le futur.

La Banque du Canada vient d’inventer un mot pour décrire cette dynamique insoutenable : elle parle d’une croissance « extrapolative », dans sa Revue du système financier diffusée la semaine dernière.

Cela se produit quand les anticipations de hausses finissent par alimenter réellement la hausse, en renforçant la croyance voulant que les prix continueront de monter. Encore et encore. Jusqu’à ce que le marché se heurte à un mur.

À cause de ce comportement de mouton, certaines régions nagent maintenant en pleine exubérance immobilière. C’est le cas de Montréal, selon un nouvel indicateur de la Banque du Canada.

Ça se sent sur le terrain. Les offres multiples et les guerres de surenchères sont devenues monnaie courante. À Montréal, presque la moitié des maisons unifamiliales (44 %) se vendent au-dessus du prix demandé et les acheteurs obtiennent 8 % de plus que le prix affiché sur l’inscription.

Et la frénésie est encore plus grande à l’extérieur de la métropole, selon l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec.

Depuis le début de la pandémie, beaucoup d’acheteurs ont tiré très fort sur l’élastique de l’endettement pour mettre la main sur une maison au-dessus de leur budget. Conséquemment, près du quart des nouveaux prêts hypothécaires (22 %) représentent plus de 450 % du revenu des acquéreurs, un seuil qui témoigne de leur vulnérabilité financière.

« Le risque, c’est qu’ils vont avoir des problèmes à payer cette hypothèque dans le futur et ils auront besoin de beaucoup réduire leur consommation, ce qui n’est pas bon pour eux ni pour l’économie », a mis en garde le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, lors d’une entrevue éditoriale avec La Presse, la semaine dernière.

En fait, la surchauffe immobilière et l’endettement des ménages sont les deux risques les plus importants qui menacent l’économie canadienne, et ils se sont exacerbés avec la pandémie.

Le gouvernement ne peut donc pas rester les bras croisés. Il n’est pas normal que les acheteurs soient condamnés à acheter leur maison à l’aveuglette, à cause du jeu des surenchères secrètes.

Comme les offres concurrentes ne sont jamais divulguées, un acheteur qui a déjà perdu d’autres surenchères est poussé à offrir le maximum que son budget lui permet pour parvenir à acheter une maison. Ainsi, son offre sera peut-être beaucoup plus élevée que nécessaire. Et ce ne sont pas les courtiers immobiliers qui vont s’en plaindre, puisque leur commission est calculée en pourcentage du montant de la vente.

Bonne nouvelle : le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, a annoncé, mercredi, qu’il mènerait des consultations sur ces pratiques qui « contribueraient à l’augmentation récente des prix observée au Québec ». Espérons que les consultations qui dureront 90 jours mèneront rapidement à des gestes concrets pour améliorer la transparence dans le processus d’offre, car le temps presse.

Souhaitons aussi que la ministre des Affaires municipales et de l’Habitation, Andrée Laforest, donne rapidement suite à son intention de rendre obligatoires les inspections préachat pour les maisons bâties il y a 25 ans et plus. Ce n’est pas normal que la folie des surenchères pousse les acheteurs à faire une offre les deux yeux fermés, sans vérifier s’il y a des vices cachés, de crainte de se faire damer le pion par un autre acheteur disposé à faire une offre sans condition.

Mais comme il reste seulement deux semaines de travaux parlementaires, il y a peu de chance que des changements surviennent d’ici l’été. En attendant, le gouvernement fera ajouter un avis présentant les risques de procéder sans inspection dans les formulaires de promesse d’achat.

C’est mieux que rien. Mais ce n’est pas ça qui ramènera la loi de la gravité dans l’immobilier.

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