Catherine Dorion qui reçoit l’appui de l’ensemble des députés de l’Assemblée nationale, c’est possible ?

Absolument. Ça s’est produit la semaine dernière. Une motion présentée par la députée de Québec solidaire a été adoptée à l’unanimité. Son sujet : le projet de loi fédéral C-10.

Il s’agit de la réforme de la Loi sur la radiodiffusion mise de l’avant par les libéraux. Elle « constitue une avancée significative pour la protection et la promotion de la culture québécoise », ont conclu les députés.

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« Les conservateurs soutiennent que les utilisateurs des réseaux sociaux pourraient être censurés. D’où l’exemple ultime évoqué au Canada anglais : vos vidéos de chats seraient en danger. C’est archifaux », écrit notre éditorialiste.

Pourtant, sa survie est menacée.

Les conservateurs semblent déterminés à faire foirer l’initiative.

Même que leur nouveau chef, Erin O’Toole, affirme fièrement que son parti est le seul à Ottawa qui s’oppose à ce projet de loi.

Au lieu de faire la roue comme un paon, il devrait se regarder dans un miroir. Quand on fait cavalier seul, ce n’est pas toujours parce qu’on fait preuve de courage. C’est aussi, parfois, parce qu’on va dans la mauvaise direction.

C’est le cas ici.

Les conservateurs sont dans le champ.

Le seul vrai problème de ce projet de loi, c’est qu’il arrive trop tard. Il y a depuis plusieurs années un urgent besoin d’encadrer le comportement des géants du web et des autres plateformes numériques (Spotify ou Netflix, par exemple).

Ils ne contribuent ni au financement ni à la diffusion de contenu canadien – ce à quoi cherche à remédier ce projet de loi –, contrairement aux diffuseurs traditionnels.

D’abord, c’est profondément injuste.

Ensuite – et surtout –, il en va de la survie de notre « souveraineté culturelle ». C’est ce qu’avait conclu en 2020 le groupe de travail chargé de se prononcer sur l’avenir des communications au pays.

Mais les conservateurs ne l’entendent pas ainsi. Ils allèguent que ce projet de loi est une menace à la liberté d’expression.

Ils soutiennent notamment que les utilisateurs des réseaux sociaux pourraient être censurés. D’où l’exemple ultime évoqué au Canada anglais : vos vidéos de chats seraient en danger.

C’est archifaux.

« Je ne vois pas en quoi il peut y avoir un problème de liberté d’expression. Il s’agit d’exiger que les algorithmes fonctionnent de manière à refléter les exigences de la politique canadienne de radiodiffusion », nous a expliqué un des éminents experts de ce domaine, Pierre Trudel, qui témoignera ce lundi à ce sujet à Ottawa.

Au contraire, la liberté d’expression est menacée par le statu quo.

Nos artistes ont déjà bien du mal à faire entendre leurs voix dans ce nouvel univers dominé par des corporations américaines qui se contrefichent de notre culture et de notre langue. Si rien ne change, ils seront de plus en plus marginalisés.

Les conservateurs auraient tout avantage à les écouter.

Il est vrai que les libéraux n’ont pas brillé par leur finesse dans ce dossier.

Non seulement ils auraient dû agir plus tôt, mais le ministre du Patrimoine Steven Guilbeault a parfois eu du mal à défendre le projet de loi. Le ministre de la Justice David Lametti a pour sa part choqué les élus qui voulaient le questionner vendredi, en dépêchant plutôt son bras droit, Nathalie G. Drouin.

Quant au projet de loi, il n’était pas parfaitement bien ficelé dès le départ puisque plus de 120 amendements ont dû être déposés et qu’il n’encadrait pas, par exemple, la diffusion de musique sur YouTube.

Bref, une partie de l’eau du bain devait être changée, mais on ne doit surtout, surtout pas se débarrasser du bébé.

Mais s’il n’en tient qu’aux conservateurs, il va être défenestré, ce bébé.

Ils ont récemment bloqué les travaux du comité qui étudie le projet de loi. Une stratégie machiavélique qui pourrait permettre de lui porter le coup de grâce, puisque la fin de la session approche et des élections se profilent à l’horizon.

C’est une attitude irresponsable.

Et alors que les rumeurs d’élections fédérales ont repris, c’est aussi une bien mauvaise façon pour le nouveau chef conservateur d’amadouer les Québécois.

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