La voiture est pleine d’essence. Et elle file droit vers la ligne d’arrivée du 24 juin.

Avec la vaccination maintenant étendue à la population générale, tout semble en place pour qu’on puisse chanter « Gens du pays, c’est à votre tour de rêver à votre deuxième dose » le soir de la Saint-Jean-Baptiste.

On doit souligner l’efficacité de l’opération coordonnée par le directeur de campagne Daniel Paré. Il y a bien eu des ratés – on pense notamment aux vaccinateurs qui se tournaient les pouces pendant le week-end de Pâques. Mais on a aussi vu des oublis se corriger promptement, comme la vaccination des handicapés et des femmes enceintes.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Vaccination contre la COVID-19 au Palais des congrès, le 21 avril

La machine s’ajuste aussi aux imprévus. Les retards de Moderna, compensés par des ajouts de Pfizer, ont exigé des acrobaties. Même chose pour la gestion des effets secondaires du vaccin d’AstraZeneca. Le gouvernement a bien expliqué la balance des risques et des bénéfices de ce vaccin et, surtout, il ne l’a imposé à personne.

Mais il ne faut pas négliger les poches de résistance. L’une d’elles est apparue au pire endroit, soit parmi les travailleurs de la santé.

Encore aujourd’hui, malgré le fait que leur vaccination ait commencé bien avant celle de la population générale, ces travailleurs ne sont vaccinés qu’à 70 %.

Et il a fallu leur forcer la main pour arriver à ce pourcentage. On a dû imposer des tests de dépistage trois fois par semaine à ceux qui refusaient le vaccin et menacer ces derniers de congé sans solde si on ne parvenait pas à les orienter vers des tâches administratives.

Des réticences semblables pourraient apparaître dans d’autres secteurs. Et maintenant que la vaccination s’étend massivement aux individus en âge de travailler, les employeurs ont un rôle à jouer. Ce rôle est délicat à cause des questions de droits individuels. Mais il est néanmoins essentiel.

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Le transformateur de viande Olymel offre 50 $ à ses employés qui se font vacciner. La Société de transport de Lévis signe un chèque de 100 $ à ses employés chaque fois qu’elle voit une preuve de vaccination.

Ces initiatives sont intéressantes, mais juridiquement complexes. En principe, demander à un employé s’il est vacciné viole la confidentialité de son dossier médical. Il faut donc son consentement avant d’exiger une preuve de vaccination.

Ça ne veut pas dire que les entreprises ont les mains liées quand vient le temps de favoriser la vaccination de leurs employés – que ce soit avec des carottes, comme Olymel, ou avec des bâtons, comme le ministère de la Santé.

Selon Marianne Plamondon, avocate spécialisée en droit du travail chez Langlois Avocats, un employeur peut invoquer des « exigences professionnelles justifiées » pour exiger que des employés à fort risque de contaminer d’autres personnes soient vaccinés. Elle donne justement l’exemple des abattoirs.

Ailleurs, un employeur pourrait considérer qu’un travailleur qui refuse de divulguer une preuve de vaccination est certes dans son droit, mais qu’il est réputé non vacciné et doit donc poursuivre le télétravail. L’idée n’est pas de déclencher une chasse aux sorcières, mais de se doter de moyens pour régler d’éventuels problèmes.

Bref, de favoriser l’intérêt collectif dans le respect des droits individuels.

C’est toutefois simplement en offrant à leurs employés la possibilité de se faire vacciner sur les heures de bureau que les employeurs pourront peut-être aider le plus.

C’est essentiel si on ne veut pas créer une congestion pour les plages offertes le soir et le week-end.

Le congé payé de quatre heures réclamé par de nombreux experts ? Attendons de voir si la flexibilité des employeurs et des heures de vaccination suffira. Sinon, c’est une mesure qu’on pourrait sortir de notre manche.

Les employeurs ont des leviers uniques pour favoriser la vaccination et ne doivent pas s’en priver. Il est dans leur intérêt de sauter à pieds joints dans la campagne. C’est aussi dans celui de leurs employés et de l’ensemble du Québec.

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