Il ne passe pas un jour ces dernières semaines sans qu’une histoire de locataires aux droits lésés fasse la une des journaux du Québec. Taudis à 900 $ par mois. Locataires snobés parce qu’ils ont déjà eu recours au Tribunal administratif du logement. Familles harcelées par des propriétaires peu scrupuleux qui veulent les voir décamper.

Entre toutes ces histoires, il y a un fil conducteur : le prix des loyers dans le Grand Montréal.

Toutes les conditions sont réunies pour une bonne grosse chicane dans les cabanes. D’un côté, les hausses fulgurantes des prix de l’immobilier rendent plusieurs propriétaires de plus en plus dépendants des loyers pour payer leur hypothèque. Et ils n’ont pas à courir après les candidats : ça se bouscule lors des jours de visite.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

« La ministre Laforest devra trouver de nouvelles mesures permettant d’équilibrer les droits des locataires et les doléances des propriétaires. Avant qu’il n’y ait vraiment péril en la demeure », écrit notre éditorialiste.

De l’autre, les locataires qui tombent en bas de leur chaise quand ils constatent à quel prix ils pourront se reloger s’ils décident ou s’ils sont forcés de quitter leur logement actuel.

En un an, les prix affichés pour les logements inoccupés ont bondi de plus de 30 %.

Cette statistique est d’ailleurs beaucoup plus parlante que la hausse de loyer de 4,2 % dans le Grand Montréal observée par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) dans son dernier rapport rendu public en janvier. Cette hausse record en 17 ans répertorie autant les locataires qui restent en place que ceux qui déménagent.

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Inquiets, les membres du comité exécutif de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), ainsi que divers organismes représentant les locataires et les moins bien nantis de la population, demandent de nouveaux outils pour freiner les hausses de loyer rapides.

Les organisations de propriétaires, de leur côté, rappellent que les règles en place sont déjà les plus contraignantes en Amérique du Nord, où le Québec est le seul territoire à disposer d’un système centralisé de fixation des loyers.

Donc, malgré quelques bonds vers le haut au cours des dernières années, les loyers dans les villes du Québec, Montréal inclus, restent les plus bas au pays. Et on ne se compare pas ici seulement avec Vancouver et Toronto, mais aussi avec Halifax, Windsor ou encore Saskatoon. Et si on met en lien les loyers et les revenus, les Québécois s’en sortent aussi mieux que tous les autres Canadiens, selon les dernières données de Statistique Canada. Il n’est pas question de dire que tout va bien, mais on ne nage pas non plus en pleine catastrophe.

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Parmi les solutions explorées pour contrer les hausses excessives de loyers, la mairesse de Montréal et présidente de la CMM, Valérie Plante, suggère l’établissement d’un registre national des loyers.

La ministre de l’Habitation, Andrée Laforest, qui préconise une amélioration du bail, estime que ce système serait trop coûteux. Mais les coûts évoqués – 6 millions pour le mettre en place et 1 à 2 millions par année pour le garder à jour – ne semblent pas une justification suffisante pour mettre l’idée de côté.

Un tel registre permettrait un meilleur contrôle des règles déjà en place, à savoir qu’un propriétaire n’a pas le droit actuellement de contourner le mécanisme de fixation de loyers pour le hausser de 25 à 50 % au moment du changement de locataire. En ce moment, sans registre public, il est difficile de prendre en défaut un propriétaire qui bafoue les règles.

En revanche, si une telle mesure est mise en place, il faudra aussi revoir la méthode de fixation des loyers. Depuis des années, elle n’est pas en adéquation avec le reste de l’économie. L’an dernier, la hausse de loyer consentie était de 0,5 %. Pendant ce temps, l’immobilier montait en flèche, les coûts des assurances, de la main-d’œuvre et des matériaux de construction aussi. Si un propriétaire doit compter 40 ans pour récupérer les coûts d’une rénovation à travers les hausses de loyer, pourquoi en ferait-il ? Ça n’a aucun sens. Et ça dure depuis un sacré bail !

La ministre de l’Habitation, Andrée Laforest, se dit sensible à tout ça. Déjà, elle a annoncé des investissements importants pour la construction de logements sociaux et s’apprête à injecter d’autres sommes pour la construction de logements abordables. Excellentes nouvelles : une partie des frictions actuelles sont liées au manque criant de logements subventionnés par l’État. Cependant, la ministre devra aussi trouver de nouvelles mesures permettant d’équilibrer les droits des locataires et les doléances des propriétaires. Avant qu’il n’y ait vraiment péril en la demeure.

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