Ça y est. Dans une semaine, à partir du 1er mai, les forces armées américaines vont commencer leur retrait d’Afghanistan. Après 20 ans, 2448 militaires américains tués, 20 722 blessés, 1000 milliards US en dépenses, Joe Biden a tracé une ligne : les 2500 soldats américains qui sont toujours déployés rentreront à la maison avant le 20e anniversaire des attentats du 11-Septembre qui ont mené à cette guerre interminable.

La décision du président américain n’a rien de surprenant. S’il n’en avait tenu qu’à lui, les troupes américaines seraient rentrées à la maison en 2009 alors qu’il était vice-président. Son patron, Barack Obama, avait plutôt décidé de lancer une grande offensive dans l’espoir de venir à bout des talibans. En 2011, à l’apogée de l’intervention américaine, il y avait plus de 110 000 militaires des États-Unis en Afghanistan. Et ça n’a pas donné les résultats escomptés. Les talibans sont aujourd’hui plus forts que jamais.

Et il faut ajouter à ça le cadeau laissé par Donald Trump. Lorsqu’il a (mal) négocié avec les talibans en 2019 un début d’accord de paix, l’ancien président américain a fait du retrait des troupes américaines le 1er mai un des piliers de l’entente. Renverser cet engagement mettrait en péril les soldats américains et d’autres pays de l’OTAN qui sont toujours dans le pays d’Asie centrale. Les talibans font pleuvoir les menaces à cet effet.

PHOTO MANPREET ROMANA, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

En 2011, à l’apogée de l’intervention américaine, il y avait plus de 110 000 militaires des États-Unis en Afghanistan.

Il n’y a pas trop d’appétit pour une confrontation de plus avec ces insurgés. Les dernières troupes internationales sont principalement en Afghanistan pour former les forces de sécurité afghanes qui sont responsables de la sécurité du pays et qui l’assurent à plus de 90 %.

Les militaires et les policiers afghans préparent depuis deux décennies le jour où ils l’assumeront à 100 %. C’est dans l’ordre des choses. En 20 ans, ce sont eux qui ont encaissé les plus grandes pertes militaires. Plus de 45 000 d’entre eux sont morts dans l’exercice de leur fonction. Ils savent exactement à qui et à quoi ils ont affaire.

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Cela dit, le retrait des militaires étrangers ne se fera pas dans le calme et la joie. Les Afghans serrent les dents. S’ils sont soulagés de retrouver leur pleine souveraineté et de voir enfin l’envahisseur faire ses bagages, ils craignent ce qui se pointe à l’horizon. Les pourparlers de paix entre le gouvernement afghan, soutenu par l’Occident et les talibans, ne vont pas bien. Les disciples de Mollah Omar qui ont déjà obtenu le départ de la force étrangère et la libération de prison de 400 de leurs membres les plus coriaces n’ont plus grand-chose à gagner en s’assoyant à table. Plusieurs craignent qu’ils essaient de lancer une offensive armée contre Kaboul dès l’automne. Si c’est le cas, un autre bain de sang est à prévoir dans ce pays qui est en guerre depuis presque quatre décennies.

Et c’est là que les États-Unis, mais aussi tous leurs alliés qui ont pris les armes en Afghanistan, doivent se rappeler les enseignements du passé. Après avoir battu par procuration l’envahisseur soviétique en finançant des combattants armés en Afghanistan à la fin des années 1980, l’Occident s’est lavé les mains des lendemains afghans. De cette bévue est né Al-Qaïda.

Ça ne prend donc pas un génie pour affirmer que retrait militaire ne doit pas rimer à nouveau avec retrait humanitaire et diplomatique.

Fragile, imparfait, mais beaucoup moins brutal que ses incarnations précédentes, l’État afghan ne survivra pas sans une aide conséquente du reste du monde. Pour soutenir l’armée, pour entretenir les infrastructures construites au cours des 20 dernières années, pour assurer le maintien des droits des femmes et des minorités, pour garder les écoles et les hôpitaux ouverts. C’est la seule façon de montrer que nous n’y étions pas seulement pour notre propre intérêt.

À ce chapitre, le Canada est d’ailleurs un exemple à suivre. Même si nos forces armées ont levé le camp en 2014, l’Afghanistan est aujourd’hui l’un des trois principaux bénéficiaires de l’aide canadienne. Et cette aide doit être maintenue, voire bonifiée pour aider le pays dans cette période de battement. Joe Biden semble l’avoir très bien compris. Espérons que le Congrès n’aura pas la mémoire courte comme ce fut le cas il y a 30 ans.

Oui, les étrangers doivent partir, mais ils doivent aussi rester tout près pour que les groupes armés en Afghanistan – et ils sont nombreux – ne se croient pas tout permis.

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Lorsque la guerre en Afghanistan a débuté en 2001, de nombreux commentateurs répétaient ad nauseam qu’aucun envahisseur n’avait jamais remporté la guerre en Afghanistan. Et encore une fois, l’histoire a montré qu’ils avaient bien raison. Seuls les Afghans peuvent dompter les démons de leur complexe pays.

Avec l’aide de pays amis.

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