On peut pousser non pas un, mais deux soupirs de soulagement devant la décision de la Cour suprême d’autoriser ce qu’on appelle la « taxe carbone » du gouvernement Trudeau.

Le premier est évident. L’Alberta, la Saskatchewan et l’Ontario se battaient pour faire tomber cette redevance que le fédéral veut imposer aux provinces qui ne fixent pas elles-mêmes un prix suffisant sur le carbone.

PHOTO ADRIAN WYLD, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

« On n’a pas fini d’étudier ce jugement de la Cour suprême. Mais tout indique qu’il réussit à sauver la lutte contre les changements climatiques au pays… sans donner les clés de la maison à Ottawa », écrit notre éditorialiste.

En leur fermant la porte, la Cour fait en sorte que les provinces délinquantes ne pourront se traîner les pieds pendant que d’autres agissent, comme le Québec avec son marché du carbone.

Le contraire aurait été rien de moins que catastrophique. Ça aurait créé des injustices entre les provinces et miné toute chance du Canada d’atteindre ses cibles de réduction de gaz à effet de serre (GES). Cela aurait aussi placé le pays dans une situation fort gênante sur la scène internationale.

Cette décision est donc une victoire non seulement pour Justin Trudeau, mais surtout pour le climat.

Parce que n’en déplaise au chef conservateur Erin O’Toole, s’attaquer aux GES sans fixer de prix sur le carbone, c’est comme partir à la chasse en laissant son fusil à la maison. Bonne chance pour atteindre vos cibles.

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La deuxième raison d’être soulagé est plus complexe, mais tout aussi importante pour le fonctionnement de notre pays et pour le climat lui-même. C’est que cette cause faisait courir un risque réel : celui d’accorder de nouveaux pouvoirs exclusifs au fédéral.

Face à l’incapacité de certaines provinces à fixer un prix sur le carbone, Justin Trudeau a plaidé qu’il devait sauter dans la mêlée par « intérêt national ». Dans ce cas bien précis, c’était justifié. Mais on comprend tout le danger qu’il y a de permettre au fédéral d’enfiler sa cape de héros et de mettre son nez dans les affaires des provinces chaque fois qu’il perçoit un « intérêt national ».

Voilà pourquoi cette cause était suivie de près tant par les constitutionnalistes que par les environnementalistes. Voilà pourquoi, aussi, le Québec y a soutenu les provinces rebelles comme l’Alberta, même s’il est partisan d’un prix sur le carbone.

Rappelons que les jugements de la Cour suprême font jurisprudence et que toute nouvelle compétence qu’on accorde au fédéral l’est pour toujours.

Rappelons aussi tout le risque de confier les clés de l’environnement au fédéral. Ce sont des provinces comme le Québec et la Colombie-Britannique qui ont été les précurseurs en ce domaine. Et les environnementalistes qui appuient aujourd’hui le prix du carbone de M. Trudeau auraient pu déchanter demain dans l’éventualité où un gouvernement fédéral d’une autre couleur se serait mis à contester les mesures environnementales des provinces.

On avait donc hâte de voir quel terrain de jeu allait accorder la Cour suprême au fédéral. Lui laisser le champ libre en « environnement » ou même pour la « tarification du carbone » aurait été trop large.

Or, la Cour suprême définit ce champ d’action comme « l’établissement de normes nationales minimales de tarification rigoureuse de GES en vue de réduire les émissions de ces gaz ». C’est assez circonscrit, merci.

Québec s’est dit « déçu » de la décision. La province n’aime pas que le fédéral vienne regarder si son marché du carbone est assez bon pour les normes nationales. Soit. Mais il faut bien qu’Ottawa puisse faire cette évaluation s’il veut mettre au pas les provinces délinquantes.

On n’a pas fini d’étudier ce jugement de la Cour suprême. Mais tout indique qu’il réussit à sauver la lutte contre les changements climatiques au pays… sans donner les clés de la maison à Ottawa.

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