Après les attentats du 11 septembre 2001, les Américains ont eu tellement peur de prendre l’avion qu’ils ont sauté dans leurs voitures pour voyager.

Résultat : ils se sont tués sur la route à un rythme inégalé, provoquant environ 1600 morts évitables. Cela équivaut à la moitié des victimes des attentats eux-mêmes.

Morale de l’histoire : l’humain est mauvais pour évaluer les risques, et la panique pousse à des actes irrationnels. En cherchant à se protéger, on se met souvent en danger.

C’est ce qui nous guette avec la saga du vaccin d’AstraZeneca. Jeudi, l’Agence européenne des médicaments a réitéré ce que l’Organisation mondiale de la santé et les autorités québécoises et canadiennes martèlent depuis une semaine : les bénéfices de ce vaccin surpassent largement ses risques.

L’agence rappelle que les thromboses, ces caillots qui se forment dans le sang, surviennent moins souvent chez les gens vaccinés que dans la population générale.

Deux types de caillots précis, ceux se formant dans tout l’organisme et ceux bloquant les vaisseaux sanguins qui évacuent le sang du cerveau, semblent toutefois s’être produits plus fréquemment chez les gens vaccinés que ce à quoi on pouvait s’attendre statistiquement.

Ces problèmes sont graves, d’autant plus qu’ils ont touché en Europe de jeunes gens (en particulier des femmes). D’où la peur bien compréhensible qu’entraîne le vaccin d’AstraZeneca, qui était déjà mal-aimé.

Que faire contre cette peur ? La seule solution est de s’informer et de mettre les risques en perspective. Voici quelques éléments à considérer :

• Les problèmes en question sont extrêmement rares. L’Agence européenne des médicaments a recensé 25 cas sur 20 millions d’injections, un taux minuscule de 0,000125 %.

• On ignore encore s’il existe un lien entre le vaccin et ces manifestations. Les autorités norvégiennes ont franchi ce pas, mais pas l’Agence européenne des médicaments. Il est aussi possible qu’un problème extérieur (avec un autre médicament pris par une portion de la population, par exemple) soit en cause.

• Les médicaments présentent souvent ainsi des effets secondaires graves, mais extrêmement rares. L’aspirine peut provoquer une perte d’audition et des saignements de l’estomac. Et les thromboses dont on s’inquiète figurent parmi les effets secondaires de la pilule anticonceptionnelle, pourtant largement consommée.

• Les projecteurs sont braqués sur AstraZeneca, mais rien n’assure que les autres vaccins soient différents. Au Royaume-Uni, les taux de thromboses sont assez similaires pour le vaccin de Pfizer et celui d’AstraZeneca.

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Les risques qui font les manchettes doivent surtout être comparés à ceux qu’entraînerait la mise au rancart du vaccin d’AstraZeneca. Ainsi, on constate qu’avec les informations dont on dispose actuellement, la balance penche clairement d’un côté.

Retarder la vaccination en se privant de l’un des trois vaccins utilisés au Québec, c’est prolonger les morts et les hospitalisations provoquées par la COVID-19.

C’est continuer à voir des centaines de Québécois frappés chaque jour par ce virus imprévisible qui peut laisser des séquelles, même chez ceux qui ne sont pas hospitalisés. C’est retarder des opérations et des diagnostics de cancer parce que nos hôpitaux sont occupés, entraînant des morts à long terme.

C’est prolonger les mesures de confinement avec tous les problèmes que cela implique, notamment de santé mentale.

C’est aussi… multiplier les thromboses elles-mêmes, qui sont une conséquence fréquente de la maladie (un tiers des patients qui se retrouvent aux soins intensifs à cause de la COVID-19 en souffrent).

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François Legault et Justin Trudeau ont écouté les scientifiques et ont gardé la tête froide pendant cette tempête. On les félicite. Il faut aussi se réjouir de la décision des États-Unis de « prêter » 1,5 million de doses du vaccin d’AstraZeneca au Canada. Non, nos voisins ne nous refilent pas leurs mauvais vaccins. Leur geste sauvera des vies.

Les craintes sont normales. Mais c’est vers la COVID-19 qu’elles doivent être dirigées. Pas vers les vaccins.

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