Actrices, danseurs, humoristes, musiciennes, techniciens des arts de la scène : on vous en doit une.

À l’automne, on a fermé vos salles de spectacles avant les centres commerciaux et les gyms.

Cet hiver, les commerces essentiels ont rouvert. Les musées aussi. Pendant la relâche, vous avez vu les familles se ruer vers les cinémas. Vous avez avalé le Popcorngate de travers – tout comme la remarque de François Legault, selon qui, « les enfants préfèrent voir des films » plutôt que du théâtre.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

« La Guilde des musiciens et musiciennes du Québec observe que 40 % de ses membres travaillent maintenant hors de l’industrie musicale », écrit Philippe Mercure.

Vos salles en zones rouges, elles, sont toujours fermées.

La semaine dernière, quand on a parlé de reprise graduelle des sports, on a senti votre amertume.

Pour les artistes de la scène, il y a finalement de la lumière au bout du tunnel. Selon nos informations, une annonce sur l’ouverture des salles de spectacle en zone rouge est imminente.

Mais le secteur culturel est loin d’être sorti du bois pour autant. Parmi tous ceux qui ont été touchés par la pandémie, il figure tout en haut de la liste. C’est encore plus vrai pour les arts vivants.

Des chiffres ? Entre avril et décembre 2020, les artistes de scène ont vu leurs revenus chuter de 69 % par rapport à l’année précédente, selon l’Union des artistes. C’est quatre fois plus que dans le milieu du cinéma et de la télé, où la baisse atteint 17 %.

La Guilde des musiciens et musiciennes du Québec observe que 40 % de ses membres travaillent maintenant hors de l’industrie musicale. Déjà confrontés à la baisse des revenus provenant de la vente de disques, les musiciens comptent démesurément sur la scène pour gagner leur croûte. Pas étonnant que la fermeture des salles et l’annulation des festivals aient fait si mal. En 2020, une majorité (52 %) des membres de la Guilde ont retiré moins de 20 000 $ de leur art, contre 23 % avant la pandémie.

Oui, les programmes de soutien sont là pour compenser. Il faut le saluer et ils sont appréciés. Mais il suffit de quelques coups de fil pour mesurer à quel point ce milieu est inquiet et fragilisé.

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Il ne s’agit pas ici de blâmer le gouvernement. Il est vrai qu’ouvrir un cinéma pendant qu’on garde un théâtre fermé est une injustice. Le contexte est le même pour les deux établissements, les risques aussi.

Mais exiger que toutes les mesures sanitaires soient justes et cohérentes est un jeu dangereux. L’argument « si on ouvre ci, on doit aussi ouvrir ça » mène rapidement à une pente glissante. Étant donné le risque que font planer les variants, il était justifié de ne pas tout déconfiner en même temps, quitte à tracer des lignes arbitraires. Rappelons que ce ne sont pas tant les risques inhérents aux spectacles eux-mêmes qui inquiètent que les rencontres que favorisent ces activités fondamentalement sociales.

Mais par souci d’équité, l’État doit se souvenir de ceux qui souffrent le plus de ses choix sanitaires.

Minimalement, cette reconnaissance des sacrifices devrait faire en sorte qu’on y pense à deux fois avant de faire à nouveau écoper les artistes si les budgets serrés post-pandémie finissent par entraîner des compressions.

Idéalement, cela se traduirait aussi par une écoute accrue de leurs demandes. Une révision de la Loi sur le statut professionnel et les conditions d’engagement des artistes de la scène, du disque et du cinéma est justement en cours. Les artistes aimeraient que des mécanismes de suivi soient ajoutés pour s’assurer qu’une part équitable des subventions descende jusqu’à eux. On aurait intérêt à y être sensible.

Nous avons tous aussi un rôle à jouer pour encourager nos artistes. Dès maintenant, en assistant à des performances virtuelles ou en s’abonnant à un théâtre, par exemple. Et, plus tard, en allant voir des spectacles lorsque ce sera possible en zone rouge (ça l’est déjà ailleurs). On a appris que le gouvernement du Québec planifie une campagne publicitaire à cette fin, une belle initiative.

Constitué en grande partie de travailleurs autonomes, le milieu culturel était déjà fragile avant la crise. La pandémie a exacerbé cette précarité, en partie à cause de choix gouvernementaux. Ça doit être inscrit sur une ardoise quelque part.

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