Cinq femmes assassinées en un mois. Dans notre cour. À Saint-Hyacinthe, Laval, Sainte-Sophie et Kuujjuaq. Elles avaient 28, 32, 44, 44, 60 ans. Elles étaient blanches, noires, autochtones. Elles étaient nous.

Dans tous les cas, il y avait des lumières rouges allumées sur le tableau de bord de la violence conjugale.

PHOTO SARAH MONGEAU-BIRKETT, ARCHIVES LA PRESSE

« Alors que ce 8 mars – Journée internationale des droits des femmes – coïncide avec le triste premier anniversaire de la pandémie, alors que les banques de résilience des uns et des autres commencent à tomber dans le rouge, la situation est plus urgente que jamais. Les meurtres de cinq de nos concitoyennes nous le rappellent amèrement », écrit notre éditorialiste.

Benjamin Soudin, soupçonné d’avoir tué à coups de hache le 1er mars son ex-conjointe Myriam Dallaire et la mère de cette dernière, Sylvie Bisson, avait des antécédents judiciaires incluant une agression sur une autre ex-partenaire, agression pour laquelle il avait écopé de travaux communautaires.

Marly Édouard, tuée le 21 février, a appelé la police deux jours avant son assassinat pour expliquer qu’elle avait reçu des menaces de mort de la part de l’ex-conjoint de sa nouvelle blonde.

Nancy Roy vivait dans le même édifice que Jean-Yves Lajoie, avec qui elle venait de rompre. Elle a été poignardée plusieurs fois le 24 février. Le suspect a été accusé de meurtre non prémédité.

Le 5 février, le corps d’Elisapee Angma, mère de quatre enfants, a été retrouvé sans vie. Les soupçons se tournent vers son ex-conjoint, Thomasie Cain, qui a lui aussi été retrouvé mort chez lui. Il aurait mis fin à ses jours.

M. Cain, connu pour des antécédents de violence, avait été libéré de prison deux semaines plus tôt, mais avait été arrêté à nouveau parce qu’il n’avait pas respecté l’ordonnance de non-contact avec Mme Angma. Malgré l’opposition des procureurs, il a été remis en liberté.

Comme dans la grande majorité des féminicides au Québec, les cinq meurtres sont arrivés à la suite de ruptures. Le tout donne froid dans le dos.

En moyenne, au Québec, on recense une douzaine de meurtres de cet ordre chaque année. Douze de trop.

Alors avec cinq en moins d’un mois, toutes les cloches de notre vigilance collective doivent sonner très fort.

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On ne peut pas dire que rien n’a été fait en amont pour prévenir ces drames. Depuis le début de la pandémie, les intervenants et experts en violence conjugale n’ont pas perdu de temps pour dire sur la place publique que les mesures de confinement mettaient de l’huile sur un feu qui couvait déjà. Pour dire que les femmes se retrouvaient plus que jamais à la merci de conjoints violents.

Ça s’est dit au Québec, mais aussi partout ailleurs sur la planète. Aux Nations unies, la rapporteure spéciale sur la violence faite aux femmes a enjoint à tous les pays du monde de mettre en place des stratégies pour combattre la violence conjugale de manière énergique en ces temps de mesures sanitaires.

Au Québec, le gouvernement s’est penché sur la question et s’est muni de beaucoup d’outils pour agir. En plus d’avoir promis des investissements de 180 millions sur cinq ans pour lutter contre la violence conjugale, il a reçu trois rapports d’experts pour bien comprendre la problématique et orienter son action. Tout ça est excellent.

Cependant, dans le milieu des intervenants et des centres d’hébergement, nombreuses sont les voix qui s’élèvent pour dire que Québec doit passer plus rapidement des rapports à l’action. En débloquant les sommes promises, mais qui tardent à être versées aux ressources en première ligne. En mettant rapidement sur pied des cellules de crise qui pourront immédiatement venir en aide aux femmes dans des situations d’urgence. En utilisant rapidement la technologie des bracelets électroniques pour garder à l’œil les individus violents qui ont reçu des ordonnances de non-contact. En mettant les bouchées doubles pour que plus de logements abordables soient disponibles pour ceux et celles qui veulent quitter une relation toxique. Et en encadrant et soutenant mieux les organisations qui travaillent avec les hommes violents.

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Alors que ce 8 mars – Journée internationale des droits des femmes – coïncide avec le triste premier anniversaire de la pandémie, alors que les banques de résilience des uns et des autres commencent à tomber dans le rouge, la situation est plus urgente que jamais. Les meurtres de cinq de nos concitoyennes nous le rappellent amèrement. Nous leur devons de faire tout ce que nous pouvons pour ne plus être impuissants devant les lumières rouges sur le tableau de bord de la violence conjugale. Tout faire pour que ces lumières s’éteignent enfin.

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