Le nombre de cas de COVID-19 a chuté, un plateau a été atteint… pourtant plus de 60 % de la population du Québec sera encore en zone rouge lundi prochain.

Paradoxal ?

Hélas non.

L’illustration la plus saisissante du danger qui nous guette a été faite cette semaine par Horacio Arruda. Il a comparé les variants à des requins qui nagent sous la surface d’une mer calme.

« Si on les laisse exploser, ils vont prendre le dessus », a-t-il prédit.

La métaphore peut faire sourire, mais il n’y a là rien de drôle.

Et les chiffres donnent raison au DArruda.

Jeudi, l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) a publié des projections qui nous permettent de mesurer l’ampleur de la menace.

Ce qu’on constate ailleurs dans le monde a permis aux experts de l’INSPQ d’évaluer que le variant qui sévit actuellement à Montréal serait de 1,4 à 1,9 fois plus transmissible par contact.

Mais ce n’est pas tout. On pense aussi qu’il pourrait être de 1,1 à 1,5 fois plus sévère. C’est-à-dire qu’il devrait provoquer plus d’hospitalisations et de décès, pour 100 cas, que la souche initiale.

En se basant sur ces hypothèses, si l’adhésion aux mesures dans le Grand Montréal diminue*, le nombre de cas pourrait carrément bondir à plus de 2000 cas par jour en avril et atteindre quelque 4000 par jour en mai.

On n’a pas envie de rejouer dans ce film.

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Dans le livre sur la pandémie qu’il vient de publier, intitulé Le Printemps le plus long, le journaliste de L’actualité Alec Castonguay fait le portrait des premiers mois de la pandémie au Québec et, en parallèle, des hauts et des bas de la gestion de crise.

Il explique qu’en mars 2020, les stratèges de François Legault ont été interpellés par une conférence de presse de l’un des directeurs généraux de l’OMS, Michael Ryan.

« Vous devez bouger vite, sans regret, et être en avance sur le virus. Sinon vous allez perdre la bataille », avait alors dit ce responsable des situations d’urgence sanitaire.

Et Alex Castonguay d’ajouter : « Des paroles qui guideront le gouvernement » Legault.

Bon, disons que le bilan, rétrospectivement, a été pour le moins inégal.

Québec a parfois bougé rapidement, mais n’a pas toujours été un modèle pour ce qui est de venir voir les coups. Le parcours a été en dents de scie au cours des 12 derniers mois.

Il semble cependant clair, cette fois, que le refus de déconfiner Montréal trop rapidement s’explique par le désir de ne pas se faire prendre de court une fois de plus par la COVID-19.

Ce qu’on apprend aussi, dans cet essai, c’est que faire preuve de prudence au sujet de la métropole, ce n’est pas nouveau. C’est ce que les cinq directeurs régionaux de santé publique de la Communauté métropolitaine de Montréal avaient dit souhaiter, en avril 2020, lorsque Québec a commencé à discuter du premier déconfinement.

« Plus les villes sont grandes, plus les taux de reproduction [du virus] sont importants. Les mesures populationnelles doivent donc être plus précoces, plus agressives et éventuellement durer plus longtemps dans les grandes villes comparativement aux petites villes », ont-ils alors expliqué, dans un document de travail confidentiel.

Non seulement cette mise en garde demeure d’actualité, mais la situation est d’autant plus précaire ces jours-ci que c’est dans le Grand Montréal qu’on détecte chaque jour le plus grand nombre de variants.

Les fameux requins…

C’est donc dans la région métropolitaine que les chances d’une nouvelle tempête sont les plus élevées. Même si actuellement, la mer est calme.

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Ajoutez à ce cocktail le fait qu’on ne sait pas encore jusqu’à quel point les mesures sanitaires auront été respectées au cours de la semaine de relâche qui s’achève.

On peut d’ailleurs s’étonner de voir que le gouvernement Legault ait annoncé que ceux qui habitent à l’extérieur de la grande région de Montréal bénéficieront d’un allègement tant attendu des mesures avant d’avoir pu mesurer l’impact de la semaine de relâche sur la situation épidémiologique.

Il faut souhaiter que le fameux « contrat social » dont a déjà parlé le premier ministre soit respecté. Et souhaiter que les variants n’essaiment pas, rapidement, d’un bout à l’autre de la province.

L’INSPQ estime que la progression des variants « pourrait être moins rapide » à l’extérieur de Montréal, c’est vrai.

Mais cette projection vient avec un important bémol : « si la transmission communautaire s’accélère à la suite d’assouplissements et/ou d’une hausse des contacts sociaux, une augmentation rapide des cas reliés à un variant plus transmissible pourrait également être observée ».

Quant à Montréal, l’idée est de ne pas se décourager.

L’étau pourra forcément être desserré, de façon graduelle, très bientôt, puisque la campagne de vaccination est véritablement en train de prendre son essor. Et que le vaccin, on le constate, est redoutablement efficace.

Quand une masse critique de Québécois âgés – et vulnérables à la COVID-19 – auront été vaccinés, et donc quand notre réseau de la santé sera à l’abri d’une nouvelle flambée, on pourra enfin respirer.

Certains l’ont fait remarquer récemment, la lutte contre la COVID-19 a pris la forme d’une course entre le vaccin et les variants.

La bonne nouvelle, c’est qu’à la fin, le vaccin gagne.

Ce n’est qu’une question de temps avant que les requins ne soient domptés. Et qu’on puisse parler du couvre-feu au passé.

* Le calcul cité est estimé dans le cas d’une adhésion dite « moyenne » aux mesures. On parle ici « de 50 % à 100 % de réduction des visites dans les domiciles et plus de contacts dans les commerces, les sports et les loisirs ». On précise aussi que « les projections n’incluent pas les assouplissements annoncés le 3 mars ».

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