Le bas de laine des Québécois doit-il encore tremper dans le pétrole jusqu’à la cheville ? Ce débat a été relancé récemment avec le dévoilement des résultats de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Les demandes de « sortir la Caisse du carbone », pour reprendre le nom d’une coalition qui milite en ce sens, nous mettent devant à d’excellentes questions. L’argent de la Caisse est le nôtre et il faut se demander où il est déployé.

Mais en braquant les projecteurs sur le seul secteur pétrolier, on aborde le problème de façon étroite. La Caisse ne doit pas tant sortir du pétrole que viser la carboneutralité.

Dit autrement, on souhaiterait que chaque dollar qui soutient la production de gaz à effet de serre soit compensé par un dollar qui élimine autant de pollution.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

« En braquant les projecteurs sur le seul secteur pétrolier, on aborde le problème de façon étroite. La Caisse ne doit pas tant sortir du pétrole que viser la carboneutralité », écrit notre éditorialiste.

Le but ultime, après tout, c’est ça : amener les émissions nettes à zéro.

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Oui, il est troublant de voir les dollars de la Caisse – nos dollars – investis dans des secteurs aussi polluants que les sables bitumineux. Surtout que n’est pas terriblement payant – au contraire !

Selon la coalition Sortons la Caisse du carbone, la Caisse a encaissé des pertes de 57 % avec ses 50 principaux investissements pétroliers depuis dix ans. On parle de milliards de dollars écrits à l’encre rouge.

La Caisse réagit. Depuis 2017, son exposition au secteur pétrolier a fondu de moitié. Un désinvestissement, nous dit-on, motivé par des motifs tant environnementaux que financiers. Faut-il aller plus loin et rayer complètement le pétrole du portefeuille ? Plus de 1300 institutions totalisant près de 18 000 milliards de dollars sur le globe ont franchi ce pas. C’est notamment le cas du fonds souverain norvégien, le plus important au monde – même s’il faut préciser que ce fonds est constitué de revenus pétroliers et qu’il y a là une certaine stratégie de diversification.

Si les investissements pétroliers sont éthiquement problématiques et non rentables en plus, l’affaire semble entendue. Mais il est vrai que certaines sociétés pétrolières comme Total, BP et Shell font des investissements considérables dans les énergies renouvelables. La Caisse plaide qu’elle est plus à même d’aider les entreprises pétrolières à réaliser leur transition si elle figure sur leur actionnariat.

Les plus cyniques diront qu’il ne s’agit que de belles paroles. Mais il y une façon de le vérifier : suivre de près la progression du portefeuille de la Caisse vers la carboneutralité. Une approche qui a l’avantage d’être globale. Parce que le pétrole n’est pas le seul secteur économique émetteur de carbone dans lequel la Caisse est présente.

Comme le Québec, la Caisse a pris l’engagement de devenir carboneutre d’ici 2050. Le Groupe d’experts international sur le climat (GIEC) nous dit que la planète entière doit atteindre la carboneutralité d’ici 30 ans si on veut avoir une chance de limiter l’augmentation des températures à 1,5 oC. Celsius.

Or, on sait que bon nombre de pays en voie de développement n’atteindront pas la carboneutralité pour 2050. Les institutions des pays développés ont donc l’obligation morale d’en faire plus pour compenser.

Évidemment, un engagement ne vaut rien sans plan pour l’atteindre. Le cimetière des promesses environnementales brisées déborde et personne ne veut d’une croix de plus. Mais la Caisse pourrait montrer l’exemple, d’autant qu’il est plus facile d’atteindre la carboneutralité pour un investisseur institutionnel que pour un État. La Caisse n’a pas de citoyens qui achètent des VUS et élèvent des vaches. Elle peut choisir les secteurs dans lesquels elle investit.

Ce faisant, ses investissements serviraient de catalyseur vers une économie faible en carbone. Penser que l’argent de nos retraites jouerait ce rôle de levier est enthousiasmant.

Le fonds de pension des employés de l’État de New York vient d’annoncer son intention de devenir carboneutre d’ici 2040, dix ans avant la Caisse. Et si on visait la même ambition pour notre bas de laine ?

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