Vous sentez la grogne qui monte ?

Ottawa a annoncé jeudi un (autre) retard dans la livraison des doses du vaccin de Pfizer. Le Royaume-Uni et l’Europe se disputent les doses du vaccin d’AstraZeneca.

Et sous l’élan de l’Afrique du Sud et de l’Inde, un groupe qui compte maintenant plus de 100 pays réclame à grands cris de ne pas être oublié.

Bref, la distribution mondiale de vaccins contre la COVID-19 est chaotique. Les pays riches tirent tous la couverture de leur côté pendant que les pays pauvres attendent leur tour.

Rien de tout cela n’est surprenant. La catastrophe avait été annoncée et rien n’a été fait pour la prévenir.

Après le triomphe scientifique du développement des vaccins, une telle faillite politique et commerciale dans la distribution des doses est tragique. La collaboration fait place à l’affrontement.

On aurait pu faire autrement.

L’Organisation mondiale de la santé en avait même prévu le mécanisme. Au printemps, elle a créé un « pool technologique » afin de partager le savoir-faire contre la COVID-19 et maximiser la fabrication mondiale de vaccins et de médicaments.

Nombre de contributions reçues : zéro.

On a préféré laisser les entreprises pharmaceutiques s’asseoir sur les brevets découlant de « leurs » découvertes. Des découvertes certes exceptionnelles, mais lourdement financées par les fonds publics, autant directement qu’indirectement.

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Le nouveau retard annoncé jeudi au Canada est préoccupant. Lors des deux premières semaines de février, on attend maintenant 79 000, puis 70 000 doses, contrairement aux 367 000 doses hebdomadaires prévues. On nous promet que ce retard sera rattrapé. Mais on peut parier qu’entre-temps, l’écart avec les États-Unis, qui ont déjà vacciné une proportion de résidants trois fois plus grande que la nôtre, continuera de grandir.

C’est une injustice. À l’échelle de la planète, ce n’est pas la seule et c’est très loin d’être la pire.

Dans ce grand jeu de poker, le Canada joue les cartes qu’il a. Nous avons eu l’argent pour commander des doses d’avance. Mais contrairement aux États-Unis et à l’Europe, nous n’avons pas de capacité de fabrication. Et contrairement à eux, nous n’avons financé ni les vaccins de Pfizer et Moderna, ni ceux d’AstraZeneca et de Johnson & Johnson.

Certains observateurs croient même que le Canada paie actuellement le prix d’une réforme qui vise à faire baisser le prix des médicaments brevetés au pays. Une décision qui ne fait pas l’affaire des entreprises pharmaceutiques et qui a d’ailleurs été repoussée deux fois.

Les retards nous frappent-ils de façon disproportionnée à cause de cela ? C’est complètement hypothétique de l’affirmer. Mais alors que les ententes d’approvisionnement signées par les différents pays sont secrètes et qu’on ignore ce qui dicte la distribution des doses, il ne faut pas s’étonner que le manque de transparence alimente la spéculation.

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Nos problèmes sont évidemment à relativiser. Dans plusieurs pays en voie de développement, les habitants risquent de compter non pas les mois, mais bien les années avant de se faire vacciner.

Ces pays demandent une suspension des brevets sur les vaccins contre la COVID-19. Ils ont raison.

Il existe des usines dans le monde qui pourraient fabriquer des vaccins contre la COVID-19. Mais le fait que les brevets et la technologie ne soient pas partagés les empêche de le faire. Les exceptions (Sanofi fabriquera le vaccin de Pfizer et le Serum Institute de l’Inde fabriquera celui d’AstraZeneca) doivent être généralisées au plus vite.

Rappelons que plus les êtres humains continueront d’attraper la COVID-19, plus le risque est grand que des variants résistants aux vaccins apparaissent. Même les économistes affirment que les pays riches n’ont aucun avantage à ce qu’une partie de la population mondiale soit laissée derrière.

S’il y a une chose que cette pandémie a montrée, c’est bien que nos problèmes sont globaux. Les solutions doivent l’être aussi.

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