Vous vous souvenez que la mairesse de Longueuil a été menacée de mort en novembre lorsque la Ville a annoncé qu’elle allait abattre une quinzaine de cerfs de Virginie pour protéger l’écosystème du parc Michel Chartrand ?

Ce que vous ne savez peut-être pas, c’est que le traitement honteux infligé à cette mairesse n’est que la pointe de l’iceberg.

En effet, ce qui se cache sous l’eau — plus précisément en marge de l’écran radar de l’opinion publique —, c’est que de plus en plus d’élus municipaux font les frais de menaces, d’insultes et d’intimidation de la part de citoyens.

Le problème est si criant que l’Union de municipalités québécoises (UMQ) vient de sonner l’alarme.

Le couvercle de la marmite était déjà sur le point de sauter avant la COVID-19. Depuis, la situation s’est envenimée au point de devenir intenable.

Si bien que le monde municipal se retrouve à faire face à deux épidémies à la fois.

La première a vu le jour en Chine. Mais la deuxième, celle que dénonce l’UMQ, relève de notre entière responsabilité.

Pour la combattre, l’UMQ a lancé une campagne de sensibilisation baptisée « La démocratie dans le respect, par respect pour la démocratie ».

Dans le monde municipal, de plus en plus, le respect est devenu comme la climatisation ou le toit ouvrant sur un véhicule. Une option. On ne l’offre plus de façon automatique.

« On a constaté au cours des derniers mois une augmentation des menaces, de l’intimidation et des attaques personnelles, nous a expliqué Suzanne Roy, présidente de l’UMQ et mairesse de Sainte-Julie.

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« Le gouvernement fédéral a enfin décidé de mettre les géants du web au pas et de les rendre responsables de ce qui se dit et s’écrit sur leurs plateformes », écrit notre éditorialiste.

« On constate aussi un phénomène qu’on n’a pas beaucoup vu auparavant dans le monde municipal : des gens qui démissionnent en plein mandat en disant : je ne peux plus vivre ça ! »

Ce fut notamment le cas l’an dernier du maire de Pierreville, Éric Descheneaux, de celui de Saint-Léonard-d’Aston, Jean-Guy Doucet, et de la mairesse par intérim de Saint-Jean-sur-Richelieu, Claire Charbonneau.

Au cours des prochaines semaines, les municipalités du Québec sont invitées à s’engager, par le biais d’une résolution de leur conseil municipal, à « renouer avec un débat respectueux ».

On va faire œuvre utile. D’autant plus qu’il n’y a pas que les citoyens qui se transforment en trolls. Le comportement des élus s’est aussi détérioré au sein des institutions municipales, nous dit-on.

Par conséquent, un rappel à l’ordre s’imposait.

Mais il serait naïf de croire que cette campagne de sensibilisation sera suffisante.

L’aide de Québec et d’Ottawa va être essentielle.

Notamment parce que les trolls ont tout avantage à continuer sur leur lancée puisqu’aussi intolérable que soit leur méthode, elle leur permet souvent d’atteindre leurs objectifs.

Et parce que ce virus qui touche le monde municipal (mais pas seulement, hélas, des élus provinciaux et fédéraux sont aussi ciblés) est intimement lié au laxisme des géants américains du numérique, qui contribuent avec enthousiasme à sa propagation. Le tout saupoudré d’une bonne dose de désinformation…

La bonne nouvelle, c’est qu’à peu près tout le monde semble avoir pris la mesure du problème.

À Québec, le ministère des Affaires municipales mène actuellement des discussions dans le but de développer des « outils » pour soutenir les élus municipaux, nous a-t-on expliqué.

Mais ce sont les gestes d’Ottawa qui semblent pour l’instant les plus prometteurs. Le gouvernement fédéral a enfin décidé de mettre les géants du web au pas et de les rendre responsables de ce qui se dit et s’écrit sur leurs plateformes.

Le ministre du Patrimoine Steven Guilbeault promet de déposer un projet de loi en ce sens au cours des prochaines semaines. L’initiative représente a priori un grand pas en avant.

Pour l’étoffer, les parlementaires pourront s’inspirer du récent rapport de la Commission canadienne de l’expression démocratique (voir à ce sujet le texte d’Edward Greenspon, en écran 4 de la section Débats du jour).

Il reste maintenant à espérer que les gestes qui seront faits à tous les paliers vont converger de façon à avoir un impact réel sur la situation. Les fondements mêmes de notre démocratie municipale sont ébranlés.

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