Les oiseaux se cachent pour mourir. Les itinérants aussi, parfois, et ils le font où ils le peuvent. La mort de Raphaël André survenue dans une toilette chimique le week-end dernier a soulevé une vague d’indignation.

Or, un rapport dévoilé jeudi par des chercheurs jette un nouvel éclairage sur cette tragédie qui fend le cœur et nous confronte à des questions difficiles.

On savait que Raphaël André avait d’autres raisons que le couvre-feu de se cacher des policiers. Il était visé par un mandat d’arrestation pour non-respect d’une promesse de comparaître liée à des accusations de menaces.

Ce que nous apprennent les chercheurs, c’est qu’il est loin d’être le seul sans-abri à Montréal à traîner ainsi des constats d’infraction ou des problèmes judiciaires avec lui en plus de ses maigres possessions.

Le rapport montre que depuis quelques années, les constats d'infraction ont recommencé à pleuvoir sur le dos des itinérants. C’est d’autant plus consternant qu’après d’intenses efforts de sensibilisation auprès du SPVM, il y avait eu une certaine accalmie autour de 2013 et 2014.

Entre 2014 et 2018, dernière année pour laquelle les données sont complètes, les constats d’infraction remis aux itinérants ont ainsi connu un bond de 220 %, pour atteindre un niveau huit fois plus élevé qu’en 1994.

Ce constat force d’abord des questions immédiates, alors qu’un couvre-feu est toujours en vigueur. Encore jeudi, François Legault a réitéré que « les policiers savent très bien que les itinérants n’ont pas les moyens de payer une contravention ». Les itinérants, de toute évidence, vivent une autre réalité que celle véhiculée dans les conférences de presse qu’ils n’ont souvent pas les moyens de regarder.

Il est donc permis de penser que, malgré les messages rassurants, la peur des policiers pourrait conduire à d’autres drames comme celui de Raphaël André. François Legault ferait bien d’en prendre acte.

De façon plus large, il faut ensuite se demander ce qui est en train de se passer dans nos rues et nos parcs. Les chercheurs eux-mêmes ont été étonnés de découvrir que la répression envers les plus vulnérables fait un retour en force à Montréal.

« Après tous les avis, tous les rapports, toutes les mesures, on ne s’attendait pas du tout à cette hausse », nous a confié Céline Bellot, directrice de l’École de travail social de l’Université de Montréal.

Le SPVM a voulu prendre connaissance du rapport avant de le commenter. On attend donc des réponses, mais il semble qu’on soit dans un cas classique où les bonnes intentions se heurtent à l’inertie des mauvaises habitudes.

On sait pourtant depuis longtemps qu’accabler les gens les plus vulnérables de nos sociétés d’amendes qu’ils sont incapables de payer ne rend service à personne. Dans le meilleur des cas, ces amendes finiront par être radiées en Cour municipale après que tout le monde aura perdu son temps.

Dans les pires, elles colleront à la peau de gens qui souffrent très souvent de problèmes de dépendance et de santé mentale. Les dettes qu’elles représentent nuiront à leur réinsertion dans la société.

L’immense majorité des constats (83 %) sont liés à la consommation d’alcool ou de drogue ou à l’ivresse publique. Être ivre en veston à la sortie d’un bar sur Saint-Laurent, ça passe. En loques à la place Émilie-Gamelin, non.

L’idée n’est pas de blâmer les policiers, qui font un métier difficile dans des circonstances complexes. Le SPVM n’est d’ailleurs pas resté les bras croisés. Il dispose d’équipes spéciales dédiées à l’itinérance et aux urgences psychosociales. Des formations ont été données, des plans stratégiques sur le profilage racial et social ont été adoptés.

Mais les chiffres montrent que ce n’est malheureusement pas suffisant.

D’un point de vue pratique, punir la misère est un coup d’épée dans l’eau. D’un point de vue moral, c’est carrément odieux.

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