S’ils avaient pu, les trois quarts des Canadiens auraient voté pour Joe Biden. N’empêche, le nouveau président américain ne fera pas de cadeaux au Canada, lui qui aurait l’intention de bloquer le développement du pipeline Keystone XL dès son investiture aujourd’hui.

Tout de même, on ne s’ennuiera pas de Donald Trump, qui quitte le bureau Ovale – à reculons – après avoir ébranlé les colonnes de la démocratie en lançant ses partisans dans un assaut mortel du Capitole.

En quatre ans, il n’aura jamais mis les pieds au Canada, si ce n’est que quelques heures lors du Sommet du G7 à La Malbaie, dont il était reparti en reniant le communiqué final et en insultant Justin Trudeau sur Twitter.

PHOTO PATRICK DOYLE, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Visite de Joe Biden à Ottawa, le 9 décembre 2016, où il a rencontré Justin Trudeau.

Tout le contraire de Joe Biden, qui avait lancé « Vive le Canada » lors d’une visite officielle qu’Ottawa avait organisée en son honneur – quel bon coup en rétrospective – juste avant son départ comme vice-président.

On peut donc s’attendre à un ton plus respectueux de la part du président Joe Biden, un politicien d’expérience avec qui il sera possible d’avoir des discussions rationnelles fondées sur des faits.

En prime, sa vice-présidente Kamala Harris a vécu cinq ans à Montréal, où elle a fait ses classes à l’école secondaire de Westmount. Et son chef de la diplomatie, Antony Blinken, est un francophile qui a étudié à Paris.

Tout cela est de bon augure pour le Québec et le Canada.

Mais ne perdons pas de vue que les États-Unis sont en crise. Le pays est divisé par les tensions partisanes, affecté par la pandémie de COVID-19 et affaibli par la récession. Alors, la nouvelle administration pensera aux États-Unis d’abord, surtout que les démocrates sont historiquement plus protectionnistes que les républicains. Lors des négociations du nouvel Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM), ils considéraient d’ailleurs que Donald Trump n’était pas assez dur.

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Même si les astres sont mieux alignés avec des démocrates à Washington et des libéraux à Ottawa, la partie n’est pas gagnée d’avance pour le Canada.

Côté environnement, l’annulation du pipeline Keystone XL, qui doit acheminer le pétrole de l’Alberta jusqu’aux raffineries du golfe du Mexique, serait une gifle pour le gouvernement Trudeau qui essaie de ménager la chèvre et le chou dans un Canada déchiré sur la question énergétique.

Si Ottawa ne parvient pas à annuler la décision américaine, le sentiment d’aliénation des provinces de l’Ouest s’embrasera encore plus. Rien de bon pour Justin Trudeau, qui prépare ses munitions pour des élections.

Mais il serait étonnant que Joe Biden revienne en arrière, lui qui considère le réchauffement climatique comme une urgence de sécurité nationale, et c’est tant mieux.

Son virage vert donnera les coudées franches au Canada. Justin Trudeau pourra faire de l’environnement la pièce maîtresse de sa prochaine compagne électorale sans craindre d’entraver la compétitivité des entreprises comme par le passé.

Parlant de compétitivité, Ottawa aura aussi davantage de marge de manœuvre si Joe Biden parvient à augmenter les impôts des entreprises et à hausser le salaire minimum fédéral à 15 $ de l’heure, comme il l’a promis.

La plateforme électorale démocrate prévoit aussi des dépenses de centaines de milliards de dollars pour des projets d’infrastructure. Une manne pour les multinationales canadiennes… pourvu qu’elles ne se fassent pas fermer la porte au nez, puisque Joe Biden s’est engagé à renforcer l’achat local.

Non, les tensions ne vont pas disparaître du jour au lendemain. Pas plus que les sempiternelles querelles commerciales entourant notamment l’acier et l’aluminium.

Mais le Canada peut espérer une plus grande fluidité – et une plus grande prévisibilité – dans ses rapports commerciaux avec les États-Unis.

Et il est rassurant de savoir que Joe Biden jouera davantage la carte des grands organismes multilatéraux que Trump n’a fait qu’affaiblir, au détriment du Canada qui exerce son influence sur la scène mondiale à travers de grands organismes comme les Nations unies.

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