En dévoilant son « Plan pour une économie verte », lundi, le gouvernement de la CAQ l’a présenté comme « ambitieux ». Et il semblait sincèrement fier de le dévoiler.

Les écologistes, eux, ont eu tôt fait de le déclarer « insuffisant ».

Contradiction ? Non. Ce plan est en effet ambitieux – et mieux chiffré et détaillé que ceux déposés avant lui.

Mais il est aussi insuffisant compte tenu de ce que commandent la science et même les cibles que le Québec s’est lui-même fixées.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

« La CAQ entretient en fait l’illusion qu’on peut continuer comme avant, sans changer en profondeur nos modes de vie. Qu’il suffit de brancher nos voitures, nos usines et nos bâtiments commerciaux dans les prises d’Hydro-Québec pour sauver la planète », écrit notre éditorialiste.

Cette contradiction apparente traduit simplement l’ampleur et l’urgence de la menace que posent les changements climatiques. Et des changements qu’il faut entreprendre pour y répondre.

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Les ambitions et les limites du plan dévoilé lundi se retrouvent autant dans ses chiffres que dans sa vision.

Examinons d’abord les chiffres. Le premier ministre, François Legault, et son ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoit Charette, ont détaillé des mesures qui, si elles fonctionnent, pourront livrer 12,4 mégatonnes de réduction de gaz à effet de serre d’ici 10 ans.

C’est à la fois beaucoup… et peu.

Depuis 1990, le Québec a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 7 mégatonnes. Réduire de 12,4 mégatonnes comme le propose la CAQ est donc significatif. Surtout que François Legault a raison de dire que le Québec en émet déjà moins que tous les autres territoires en Amérique du Nord et que les réductions sont donc plus difficiles à faire ici qu’ailleurs.

Le hic, c’est que dans une honnêteté qui l’honore, le gouvernement Legault admet lui-même que ces réductions ne permettraient d’atteindre que 42 % des cibles que la province s’est fixées pour 2030… et qu’il réitère vouloir atteindre.

La CAQ affirme que le fédéral et les municipalités doivent aussi contribuer, mais soyons sérieux. C’est le provincial qui contrôle les principaux leviers permettant d’agir sur les changements climatiques (énergie, transport, agriculture, aménagement du territoire). Il est donc impossible pour les autres ordres de gouvernement de combler les 58 % manquants.

Évidemment, la CAQ hérite du fait que ses prédécesseurs ont traîné les pieds, ce qui rend le contrat particulièrement difficile à remplir aujourd’hui. Mais notons que même si la cible de 2020 avait été atteinte, les réductions annoncées seraient insuffisantes pour atteindre celle de 2030.

Il y a ensuite la vision. Ce qu’on nous a présenté lundi n’est pas tant un plan vert qu’un plan d’électrification tous azimuts du Québec. Entendons-nous : cette électrification est hautement souhaitable et nécessaire. De plus, elle est présentée par un premier ministre qui a eu une véritable épiphanie quant à la question, qui y croit visiblement avec conviction et qui l’arrime au développement économique.

Bref, on peut dire sans tomber dans la grandiloquence que c’est un véritable projet de société que nous présente M. Legault. Ce n’est pas rien.

Mais le problème est que cette électrification à elle seule ne parviendra pas à nous amener vers une économie faible en carbone.

La CAQ entretient en fait l’illusion qu’on peut continuer comme avant, sans changer en profondeur nos modes de vie. Qu’il suffit de brancher nos voitures, nos usines et nos bâtiments commerciaux dans les prises d’Hydro-Québec pour sauver la planète.

L’aménagement du territoire, notamment, apparaît de plus en plus comme une grande faiblesse du gouvernement Legault. C’est pourtant une pièce essentielle du puzzle contre les changements climatiques.

Terminons avec une note d’espoir. La CAQ s’est engagée à revoir tous les ans son plan contre les changements climatiques et même à le faire évaluer par un comité d’experts indépendants. Souhaitons donc que la révolution électrique de M. Legault ne soit que la première étape d’un plan complet vers une société verte. Enfin.

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