La transparence, c’est comme la tarte aux pommes. Tout le monde est pour et on en prendrait toujours plus.

Mais alors que l’opposition réclame plus de « transparence » de la part du gouvernement Legault dans sa gestion de la pandémie de COVID-19, il faut faire attention à ce que l’on souhaite exactement.

Veut-on d’un gouvernement contraint de pondre un rapport chaque fois qu’il prend une décision ? Veut-on que des discussions orales qui se déroulent avec fluidité dans la fameuse « cellule de crise » du gouvernement soient systématiquement transcrites et dévoilées à la population ? Veut-on alourdir un processus décisionnel déjà complexe à l’heure où la situation changeante de l’épidémie exige de la flexibilité ?

Le gouvernement a été élu pour prendre des décisions et il serait contre-productif de le talonner sur chaque détail du processus ayant conduit à chacune d’entre elles.

Nos décideurs doivent aussi être en mesure de discuter franchement, à l’abri des micros, lorsqu’ils évaluent différentes options.

Ceux qui réclament des rapports et des avis pour appuyer chaque action doivent aussi réaliser que ces derniers ne sont pas parole d’évangile. Oui, le gouvernement doit baser sa lutte contre le virus sur des données. Mais il ne peut non plus s’y fier aveuglément. D’autres considérations – la praticabilité des mesures sur le terrain, l’acceptabilité sociale, l’économie – doivent aussi être prises en compte.

Cela étant dit, les appels à plus de transparence qu’on entend ces jours-ci ne sont pas complètement infondés. Des citoyens durement touchés par les mesures sanitaires peinent parfois à comprendre le raisonnement qui est derrière. À l’intérieur même de la machine de la santé publique, des experts ont l’impression que les directions régionales et même l’Institut national de santé publique du Québec sont souvent ignorés et que les décisions reposent sur l’avis d’une poignée de personnes.

Ces perceptions sont de nature à miner la confiance, et donc l’adhésion aux mesures sanitaires.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

« Le premier ministre, le ministre de la Santé et le directeur national de santé publique se présentent devant les journalistes plusieurs fois par semaine pour répondre aux questions. Il faut le saluer », souligne notre éditorialiste.

Le gouvernement pourrait-il mieux expliquer les options qu’il avait devant lui et le raisonnement qui sous-tend ses choix ? Certainement. Les théâtres et les musées, aujourd’hui, sont-ils fermés parce qu’on y avait documenté des éclosions, parce qu’on craignait qu’elles puissent s’y produire ou parce qu’on voulait changer l’environnement social ? Et qu’est-ce qui justifie l’interdiction des rencontres extérieures ? Avouons que ce n’est pas toujours aussi clair qu’on le souhaiterait. Ce n’est donc pas tant de transparence accrue qu’ont besoin les Québécois que de plus d’explications.

En parallèle, il y a l’épineuse question de l’accès à l’information. Des experts indépendants qui veulent faire leurs propres analyses n’ont pas encore pleinement accès aux données. Partager ces dernières nécessiterait un certain travail d’anonymisation afin de préserver la vie privée des patients. On comprend que ce n’était pas une priorité au début de l’épidémie, mais ça doit le devenir. On se prive depuis trop longtemps du précieux éclairage que ces spécialistes pourraient apporter.

La surveillance de l’épidémie est aussi encore plombée par des systèmes de l’information trop souvent disparates et inefficaces. Des statistiques essentielles ne peuvent être communiquées pour la simple raison qu’on ne parvient pas à les recueillir.

C’est le cas des indicateurs qui permettraient d’évaluer la performance du gouvernement à faire le traçage de contacts. Or, sans indicateurs, il est difficile de s’améliorer. Les statistiques nouvellement publiées sur les lieux d’éclosion sont par ailleurs fort utiles pour aider les citoyens à évaluer le risque. Il y a longtemps qu’elles auraient dû l’être.

Le gouvernement Legault est loin de gérer cette crise derrière un paravent. Le premier ministre, le ministre de la Santé et le directeur national de santé publique se présentent devant les journalistes plusieurs fois par semaine pour répondre aux questions. Il faut le saluer.

Mais ce n’est pas tant la quantité de mots prononcés qui compte que leur choix et leur pertinence. Après huit mois d’épidémie, il est temps d’en fournir un peu plus aux citoyens sur la façon dont sont prises les décisions. Sans verser non plus dans la technocratie.

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