La mairesse de Montréal a fait de la vie de quartier sa priorité ultime. Peut-être même sa seule et unique priorité. Pour le meilleur et pour le pire.

La beauté du système de gouvernance de Montréal, c’est que des élus s’occupent des arrondissements, des rues résidentielles, des parcs et des déchets, pendant que le maire de la grande ville s’occupe de la ville.

Chacun son quartier et les citadins seront bien gardés, autrement dit.

Mais que se passe-t-il quand le maire de la métropole gère la ville… comme un arrondissement ?

C’est la question à laquelle on trouve tranquillement une réponse depuis l’élection de Valérie Plante il y a trois ans.

La cheffe de Projet Montréal s’était présentée comme une « mairesse de la mobilité » en 2017. Elle promettait une ville « mieux adaptée aux changements climatiques et démographiques », qui offrirait une plus grande fluidité sur les routes aux Montréalais, peu importe leur moyen de locomotion.

Mais comme on a pu le constater, ce n’est pas tout à fait ce qui est arrivé. La mairesse a plutôt fait de la vie de quartier sa priorité ultime. Peut-être même sa seule et unique priorité.

Pour le meilleur et pour le pire.

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Le meilleur, c’est un parti pris pour tout ce qui touche les résidants et leur milieu de vie.

C’est le transport actif et collectif. C’est la sécurisation des intersections. C’est l’aménagement urbain intelligent. C’est le commerce de proximité. C’est le développement de parcs, d’animation, de loisirs.

Autant de choses que l’administration Plante et son parti, Projet Montréal, déclinent dans leurs actions au jour le jour. Création d’un immense parc dans l’ouest de l’île, par exemple. Obligation d'offrir du logement familial. Implantation de pistes cyclables larges et généreuses.

Voilà des réussites dont la mairesse peut être fière à 12 mois de la fin de son mandat.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Valérie Plante

Mais le pire, c’est… tout ce qui ne rentre pas dans cette catégorie. Tout ce qui ne cadre pas avec la vie de quartier au sens strict.

C’est le centre-ville, par exemple. C’est le développement immobilier d’envergure. C’est le transport de marchandises. C’est la circulation automobile. C’est le port, l’aéroport, l’industrie, l’hôtellerie, le tourisme, le rayonnement international, le développement économique.

Autant de choses qui composent la métropole. Des choses qui la distinguent d’une simple municipalité, d’un arrondissement ou d’un quartier résidentiel.

Or, toutes ces choses, hélas, semblent passer 10 pieds au-dessus de la tête de la mairesse de Montréal.

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Oui, bien sûr, Valérie Plante participe aux réunions sur le centre-ville. Elle parle parfois des bureaux, des entreprises et des grandes enseignes. Elle coupe même des rubans à l’occasion, comme elle l’a fait pour Uniqlo il y a quelques jours. Mais on sent qu’elle se force parce qu’elle n’a pas le choix.

Même pendant la première vague de la pandémie, elle n’accordait pas au cœur de la métropole l’attention qu’il méritait.

Son énergie, son attention, son intérêt sont canalisés ailleurs, dans toutes ces petites choses qui améliorent la qualité de vie dans les quartiers résidentiels.

Il y a du bon là-dedans, soyons honnêtes. La volonté de la mairesse est immense quand vient le temps de sécuriser Saint-Denis ou d’aménager intelligemment le site de la brasserie Molson.

Mais Montréal n’est pas qu’une ville résidentielle. Ce n’est pas que l’addition de milieux de vie refermés sur eux-mêmes. Ce n’est pas qu’une juxtaposition de quartiers où il fait bon pédaler.

C’est aussi le centre-ville, le développement économique, la promotion régionale, la Communauté métropolitaine de Montréal, les investissements, etc.

Autant de choses qui sont manifestement dans l’angle mort de l’administration Plante.

L’entrevue éditoriale qu’elle a accordée cette semaine à La Presse l’a d’ailleurs prouvé à sa façon. Quand on a demandé à Valérie Plante la liste des projets dont elle était le plus fière*, aucun ne touchait l’économie. Rien qui concernait le cœur commercial de Montréal ou son rayonnement.

Qu’elle ne s’étonne pas que le milieu des affaires travaille fort en coulisse ces temps-ci pour lui trouver un rival de taille pour les élections de 2021…

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Comprenons-nous bien, l’idée n’est pas du tout d’abandonner la ville aux automobilistes ou de s’occuper uniquement des besoins de l’establishment économique. Au contraire, il y a beaucoup de bon dans ce que fait la mairesse.

Mais il importe de s’assurer qu’on ne fasse pas de Montréal une grande municipalité de banlieue en évacuant tout ce qui est propre à la ville, en se concentrant sur un seul champ d’activités.

Montréal est une métropole, et c’est en chérissant tout ce qui en fait une grande ville de stature internationale, y compris bien sûr la qualité de vie de ses quartiers résidentiels, qu’on s’assurera qu’elle le demeure.

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* Les cinq projets dont la mairesse est le plus fière :

Le grand parc de l’ouest de l’île de Montréal
Le règlement sur l’inclusion
Le REV Saint-Denis
Le redéveloppement du site de la brasserie Molson
L’évolution du projet de ligne rose

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