Si le gouvernement Trudeau veut aider les provinces, qu’il abandonne cette curieuse obsession de « normes nationales ». Il existe déjà plein de règles, de consignes et de protocoles dans les CHSLD. Et manifestement, elles n’ont pas fait obstacle au virus.

Des normes nationales ? Vraiment ?

Il y a réellement quelqu’un, quelque part, qui regarde ce qui s’est passé pendant la première vague au Québec et ailleurs au pays et qui se dit : « Hum, si seulement on avait eu des normes plus élevées, si seulement on avait eu une couche de règles bureaucratiques de plus, on aurait pu éviter plein de morts dans les résidences pour aînés… » ?

Ce serait drôle, si ce n’était pas aussi saugrenu.

Justin Trudeau voudrait en effet nous faire croire qu’il suffirait d’une intervention du fédéral dans un champ de compétence provincial pour accroître la qualité des soins reçus dans les CHSLD et autres résidences pour aînés.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Le premier ministre Justin Trudeau, vendredi à Ottawa

Comme si le Québec avait choisi la négligence le printemps dernier parce qu’il ne savait pas qu’il fallait faire mieux !

Comme si l’Ontario avait fermé les yeux sur les besoins des aînés parce qu’il ignorait qu’il devait offrir des services de meilleure qualité !

Quelle réaction paternaliste de la part du gouvernement Trudeau ! Quelle superbe façon de prouver que le « fédéralisme coopératif » évoqué en 2015 n’était que vœux pieux !

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Pour comprendre ce qui a mal tourné sur le terrain pendant la première vague, il est important de relire le rapport des Forces armées canadiennes après leur passage dans les CHSLD.

On constate en effet à la lecture des comptes rendus, résidence par résidence, qu’il y en a déjà plein, des normes et des règles à respecter. Et qu’elles n’ont pas fait obstacle au virus.

Il existe bel et bien des protocoles sur le port des équipements de protection, par exemple… mais ils ne sont tout simplement pas suivis, ont observé les soldats.

« Nous sommes témoins quotidiennement d’employés ne respectant pas les protocoles mis en place par l’établissement », écrivent-ils.

PHOTO MARTIN TREMBLAY, ARCHIVES LA PRESSE

« Il est important de relire le rapport des Forces armées canadiennes après leur passage dans les CHSLD », écrit François Cardinal.

On constate aussi qu’il existe des consignes sanitaires claires… mais encore une fois, elles ne sont pas appliquées.

« Nous avons évalué que la prévention et le contrôle de la contamination ne respectaient pas les normes établies. »

On constate enfin qu’il existe des règles précises pour intervenir auprès des patients… mais elles ne sont pas suivies.

« Nous avons remarqué que certains employés ne se changent pas entre les chambres chaudes et froides. »

Bref, la conclusion de l’armée, c’est qu’il y a eu un manque de discipline, mais pas pour mal faire. Parce que tout le monde courait dans toutes les directions dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre pendant la première vague.

« Selon nos observations, conclut-on, le besoin criant des CHSLD est au niveau du personnel avec formation médicale. »

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Si le gouvernement Trudeau veut aider au sortir de la pandémie, qu’il abandonne donc cette curieuse obsession de « normes nationales » imposées d’un océan à l’autre, peu importe le contexte social, institutionnel et démographique.

Qu’il cesse de marcher sur le terrain des provinces pour jouer le bon père de famille, surtout en santé, LE domaine qui a consacré le principe du fédéralisme asymétrique en 2004.

Ce dont les provinces ont besoin, c’est d’une aide financière.

Justin Trudeau le sait très bien, d’ailleurs. Il n’a pas hésité ces derniers mois à distribuer les fonds aux provinces, que ce soit pour bonifier le salaire des employés essentiels (4 milliards), aider à relancer leurs économies (19 milliards), se préparer à la deuxième vague (700 millions), etc.

Mais il y a un problème avec tous ces fonds : ils sont ponctuels. Ce sont des enveloppes fermées, sans récurrence.

Or, en conférence de presse, vendredi, Justin Trudeau a expliqué que la première vague avait mis au jour « les vulnérabilités du système ». Et qu’il fallait maintenant tout faire pour mieux protéger les aînés à l’avenir.

Mais justement, le manque de normes n’est pas une « vulnérabilité » du système ; on le voit bien avec le rapport de l’armée. Alors que le manque de personnel, oui. Le manque de fonds pour les attirer et les retenir aussi.

Et, donc, si le fédéral souhaite contribuer à régler ces problèmes structurels à long terme, qu’il lâche les normes et les enveloppes fermées et qu’il augmente les transferts aux provinces pour la peine.

Voilà une vraie solution à un vrai problème.

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