Redonner du « pep » à l’économie déprimée par la COVID-19 en accélérant la réalisation d’environ 200 projets d’infrastructure : c’est le plan de François Legault.

Pour placer ces projets sur la voie rapide, la CAQ a d’abord sorti un bulldozer pour écraser à peu près toutes les autorisations nécessaires à leur lancement. C’était le projet de loi 61.

Face au tollé soulevé, la CAQ vient de troquer le bulldozer contre un véhicule tout-terrain. Le projet de loi 66, qui remplace le 61, écrasera moins d’orteils, est moins inquiétant et beaucoup plus raisonnable que son prédécesseur. Mais du point de vue environnemental, il est encore conçu pour contourner les voies officielles en empruntant des chemins de traverse.

Au moment même où on parle de relance verte, cette volonté du gouvernement de court-circuiter ses propres règles environnementales au nom de l’urgence économique envoie un mauvais signal.

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Reconnaissons d’abord que la CAQ a fait un important travail pour améliorer son plan d’accélération des infrastructures. Alors que l’ancien projet de loi permettait de contourner les règles anticorruption pour gagner du temps, le nouveau confie de nouveaux pouvoirs à l’Autorité des marchés publics. Sonia LeBel, ancienne procureure en chef de la commission Charbonneau qui pilote maintenant le dossier à titre de présidente du Conseil du trésor, avait le profil idéal pour redresser la barre à cet égard.

Le gouvernement renonce aussi à un abus de pouvoir qui lui aurait permis de prolonger indéfiniment l’état d’urgence sanitaire dû à la COVID-19. Autre élément rassurant : la liste des 181 projets d’infrastructure qui sont placés sur une voie rapide est maintenant close. L’ancienne version donnait la possibilité au gouvernement de sortir de nouveaux projets de son chapeau pour les soustraire eux aussi aux règles habituelles.


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« C’est lorsque le gouvernement veut accélérer les autorisations environnementales que les choses deviennent complexes », note Philippe Mercure.

Québec ne recule pas sur sa volonté d’accélérer les expropriations nécessaires à certains projets, une excellente nouvelle. La ligne bleue du métro de Montréal, paralysée par ces questions, profitera du projet de loi 66. Là-dessus, il était temps d’agir.

C’est lorsque le gouvernement veut accélérer les autorisations environnementales que les choses deviennent complexes. Québec crée toutes sortes de nouvelles règles destinées à soustraire les projets choisis à certaines obligations relatives à l’environnement et à l’aménagement. L’objectif : moins de paperasse et moins de délais.

On comprend le gouvernement de vouloir lancer les projets rapidement. Pour qu’ils répondent au ralentissement actuel, ces projets ne peuvent quand même pas démarrer dans trois ans. Précisons aussi qu’on parle surtout de construction d’écoles, de maisons pour aînés et de routes, et non de terminaux méthaniers ou de centrales nucléaires. Les risques environnementaux sont quand même circonscrits.

Il reste que l’idée de s’arroger le droit de contourner les règles environnementales crée un malaise.

Le projet de loi 66 tente de rééquilibrer les choses avec ses propres garde-fous, notamment pour les milieux humides et les espèces protégées. Les balises existent, mais ce bric-à-brac laisse pantois. La protection de l’environnement et l’aménagement du territoire sont déjà encadrés par des règlements ; nul besoin d’en écrire de nouveaux pour 181 projets en particulier. Si la CAQ trouve le processus actuel inefficace, elle n’a qu’à s’attaquer à la bureaucratie et dégager les ressources pour l’accélérer.

On peut dire la même chose de la décision de soustraire deux projets en particulier, la sécurisation de la route 117 et l’élargissement de l’autoroute 30, du Bureau des audiences publiques sur l’environnement (BAPE). Il y a des raisons valables de vouloir accélérer ces projets, mais c’est également le cas d’une myriade d’autres. Le précédent est inquiétant.

Le danger, en empruntant des voies de contournement pour aller plus vite, est de déraper sur une pente glissante.

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