Au moment où la deuxième vague pandémique frappe le Québec, des employés du réseau de la santé se promènent encore d’un établissement à l’autre au risque d’y répandre la COVID-19.

Vous êtes consternés ? Avec raison. Nous aussi.

La première vague avait pris notre système de santé de court. Submergés par l’intensité de la contagion, qui frappait patients et personnel, les CHSLD et autres résidences pour personnes âgées n’ont eu d’autre choix que de faire appel encore plus massivement que d’habitude à des employés d’agences dépêchés au gré des besoins.

Ces pompiers chargés d’éteindre d’innombrables incendies ont aussi été, bien malgré eux, les vecteurs d’une contagion qui aura tué plus de 5000 personnes âgées. Une tragédie sans nom dont on veut éviter à tout prix la répétition.

Et pourtant.

Quand le ministre Christian Dubé a présenté son plan pour la deuxième vague, à la mi-août, il a pris un engagement ferme : Québec allait mettre fin à ces déplacements de personnel.

« Le plus important, c’est qu’on va interdire la mobilité de la main-d’œuvre dans les milieux de vie », statuait le plan ministériel.

Cinq semaines plus tard, en plein rebond de l’épidémie, un reportage de Radio-Canada nous apprend que cette mobilité est toujours une réalité. Dans les CHSLD privés et publics tout comme dans les résidences privées pour aînés (RPA).

Une directive demande bien aux CIUSSS et aux CISSS d’éviter les déplacements de personnel… dans la mesure du possible. Une interdiction décrétée le 15 mai ne s’applique qu’aux employés d’agences ayant été exposés au virus. De toute évidence, il y a du mou dans la cuirasse.

Un autre arrêté ministériel qui donnera du poids légal à ces mots d’ordre sera adopté d’ici le 30 septembre, nous assure-t-on. On peut imaginer que l’arrivée de 7000 nouveaux préposés dans le réseau donnera de l’oxygène aux établissements.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

« Une directive demande bien aux CIUSSS et aux CISSS d’éviter les déplacements de personnel… dans la mesure du possible », écrit Agnès Gruda.

Reste que, dans le reportage diffusé mardi, on entend le directeur d’un réseau de RPA reconnaître que des employés se baladent d’un établissement à l’autre « pour arrondir leurs fins de mois » ! Une préposée témoigne avoir travaillé en zone chaude un jour et en zone froide le lendemain. Vraiment ? À ce stade de l’épidémie ?

Cette mobilité est due, en partie, aux déficiences d’un réseau qui mise sur une cinquantaine d’agences privées pour pallier les pénuries chroniques de personnel. La pandémie a accentué le phénomène.

Ce système de gestion est à revoir de fond en comble. Mais ça prendra du temps. En attendant, on ne peut pas se permettre de laisser le coronavirus faire d’autres carnages dans un réseau qui se remet péniblement de la première vague.

* * *

Rappelons-nous comment la Colombie-Britannique s’y est prise lorsque la COVID-19 a infecté une première résidence pour personnes âgées, début mars.

La directrice de santé publique, Bonnie Henry, la « Horacio Arruda de la Colombie-Britannique », mais avec plus de pouvoirs, a immédiatement livré une ordonnance empêchant les employés de Lynn Valley Care de travailler pour d’autres établissements.

Le 10 avril, elle décrétait le One Site Order – interdiction de déplacer le personnel d’un établissement à un autre dans toute la province.

Infection, diagnostic, décision : le processus aura pris tout juste un mois. Au Québec, après sept mois d’épidémie, les déplacements de personnel continuent.

D’accord, la situation est complexe. Les agences de personnel ne disparaîtront pas demain matin. Mais enfin : ne peut-on pas les obliger à fonctionner avec des affectations stables ? Une préposée ou une infirmière d’agence serait prêtée à un CHSLD pour six mois ou un an. Avec interdiction formelle d’aller travailler ailleurs dans le réseau.

Certains établissements ont essayé la formule. Pourquoi ne pas la généraliser ?

Et surtout, si la Colombie-Britannique a été en mesure de faire le virage en un mois, pourquoi pas le Québec ?

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