On ne répare pas les blessures historiques par le vandalisme. On ne corrige pas l’Histoire en l’effaçant.

Au-delà des mérites et des fautes de John A. Macdonald, voilà le premier principe sur lequel l’administration Plante devrait fonder sa décision sur l’avenir de la statue décapitée, samedi au centre-ville de Montréal.

Une fois que le Bureau d’art public aura fait le diagnostic de son état de santé (n’oublions pas que le monument à John A. Macdonald a subi d’autres outrages dans le passé), une fois qu’elle aura été réparée, la statue devrait être replacée sur son socle.

Mais pas n’importe comment. Et surtout pas en occultant le rôle controversé de celui que l’on considère comme l’un des Pères de la Confédération canadienne dans l’établissement d’un régime destructeur pour les peuples autochtones. La Loi sur les Indiens, c’est lui. Les pensionnats, c’est lui aussi.

En même temps, les jalons sur lesquels a été construit le Canada, c’est également lui. Comment faire pour reconnaître l’un sans annihiler l’autre ?

Le débat n’est pas facile à trancher et Valérie Plante a raison de vouloir mettre sur pied une équipe de réflexion sur la place des monuments et d’autres symboles prêtant flanc à la polémique.

Car celle-ci va au-delà d’un seul personnage et au-delà d’une seule statue. Bref, on n’a pas fini d’en parler. Aussi bien encadrer la polémique.

Voici quelques pistes de réflexion.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

La statue de John A. Macdonald a été déboulonnée samedi après-midi à Montréal, au terme d’une manifestation pour demander la réduction du budget de la police et un réinvestissement de l’argent dans les communautés discriminées.

Il y a des limites à la symbolique des statues. Après la chute de l’URSS, les statues des héros communistes ont été démantelées et rassemblées dans un parc de Moscou. Les personnages qu’elles représentaient étaient ainsi « déglorifiés ».

Ça n’empêche pas une vaste majorité des Russes d’aujourd’hui d’avoir une opinion positive de Joseph Staline. La tragédie dont il a été l’architecte est dans une large part disparue de la mémoire collective. N’aurait-il pas mieux valu garder les statues où elles étaient tout en donnant toute l’information sur ceux qu’elles représentent ?

Comment faire pour préserver la version la plus juste de l’Histoire, pour rendre justice aux uns sans escamoter les accomplissements des autres ?

La question se pose dans tous les pays fondés par la colonisation. Elle se pose aussi dans les pays qui ont tiré profit de l’esclavage en Europe, sur le continent américain, en Australie.

Il y a ceux qui veulent envoyer à la casse les statues et les plaques de rue commémorant des héros controversés. Ceux qui veulent les renvoyer au musée. Ceux qui veulent donner plus de place à des contre-héros injustement oubliés. Et il y a ceux, enfin, qui veulent les laisser là où ils sont tout en exposant la face sombre de leur héritage.

Il y a deux ans, la Ville de Victoria a retiré la statue de John A. Macdonald en guise de geste de réconciliation avec les autochtones. Aux dernières nouvelles, la statue reste entreposée et la Ville ne sait pas trop quoi en faire. Pas sûr que qui ce soit y ait gagné.

L’Université McGill, dont le fondateur même, James McGill, possédait quelques esclaves, a décidé de se doter de lignes directrices pour déterminer sa politique de « commémoration et appellation ».

Les grandes lignes de cette politique pourraient s’appliquer à un contexte municipal. « Ne glorifions pas ce qui n’est pas glorieux, mais n’oublions pas pour autant », note le document.

Plus loin : « Demandons-nous si le legs principal de la personne (honorée) entre en contradiction avec les valeurs de l’université. »

L’exemple de McGill est inspirant. Il consiste à se donner des outils pour trancher les controverses touchant notre mémoire collective. Des critères précis, inclusifs et transparents.

La Ville semble aller dans cette direction, et c’est tant mieux. Objectif : une future politique de la mémoire. On y gagnera en justice. Et en paix sociale.

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