Comment sait-on qu’un gouverneur général du Canada fait bien son travail ? Quand on n’entend pas parler de lui.

Depuis le début de son mandat, en 2017, on entend beaucoup trop parler de la gouverneure générale Julie Payette.

Elle a laissé en plan pendant un an beaucoup d’organismes de bienfaisance. Elle a brisé la tradition voulant qu’une gouverneure générale visite les 10 provinces durant sa première année de mandat. Elle s’est fait tirer l’oreille pour tenir une cérémonie pour la sanction royale de la loi sur le cannabis.

Et elle aurait créé un climat de travail « toxique et une culture de la peur » pour les employés à Rideau Hall, selon un reportage de CBC-Radio-Canada diffusé la semaine dernière. Julie Payette crierait, rabaisserait et humilierait publiquement des employés. Un exemple ? En une journée, une dizaine de personnes seraient sorties de son bureau les larmes aux yeux. La plus haute fonctionnaire à Rideau Hall, Assunta Di Lorenzo, une amie de Julie Payette, est aussi visée par des allégations de harcèlement psychologique. L’enquête journalistique de Radio-Canada est fouillée : une douzaine de fonctionnaires et d’ex-employés de Rideau Hall ont témoigné de façon confidentielle par crainte de représailles professionnelles.

PHOTO ADRIAN WYLD, THE CANADIAN PRESS

La gouverneure générale du Canada, Julie Payette, livre le discours du Trône, à Ottawa, en décembre dernier.

Ce qui est décrit dans le reportage de Radio-Canada, c’est un cours de harcèlement psychologique 101. Pour savoir quoi ne pas faire subir à ses employés.

Devant la gravité de ces allégations, le gouvernement fédéral, avec l’accord de Rideau Hall, a déclenché une enquête indépendante sur le climat de travail à Rideau Hall. C’est la bonne décision à prendre dans les circonstances.

Aussi rigoureuse que soit l’enquête journalistique de Radio-Canada, il est important pour la suite des choses que le gouvernement fasse une enquête indépendante sur le climat de travail de Rideau Hall. Les employés de Rideau Hall, comme Julie Payette, ont droit à cette enquête, dont les conclusions devront être rendues publiques (en respectant la confidentialité des employés).

Mais si l’enquête conclut que Julie Payette a elle-même fait du harcèlement psychologique de façon répétée auprès d’une dizaine d’employés depuis le début de son mandat – comme le décrit Radio-Canada –, elle devra quitter son poste de gouverneure générale au terme de cette enquête.

C’est une question de principe. En 2020, un patron qui fait subir à ses employés du harcèlement psychologique à répétition, qui instaure un climat de peur et qui accumule les témoignages accablants ne peut pas rester en poste, fût-il le représentant de la Reine d’Angleterre au Canada.

On ne congédie évidemment pas un patron chaque fois qu’il y a un cas de harcèlement psychologique au travail dans ses rangs. S’il y a un mauvais climat de travail, un patron doit avoir une chance raisonnable d’y remédier. Mais dans le cas de Julie Payette, c’est elle qui serait directement responsable du harcèlement psychologique. De façon répétée. Auprès d’au moins une dizaine d’employés. Depuis le début de son mandat.

Si elles s’avèrent, ces allégations sont beaucoup trop graves pour qu’on lui permette de s’amender et de remettre le compteur à zéro.

La gouverneure générale sert selon la volonté de la Reine du Royaume-Uni. Elle est nommée sur recommandation du premier ministre du Canada, et celui-ci peut demander à la Reine de mettre fin à son mandat en cas de motif sérieux. On a déjà mis fin à des mandats pour des questions de remboursement de dépenses (Lise Thibault, au Québec, en 2007) et de voyages payés par une compagnie aérienne (en Australie en 1985). On peut certainement le faire pour du harcèlement psychologique.

Si l’enquête démontre qu’elle a agi comme le décrit Radio-Canada, Julie Payette ne peut pas rester en poste jusqu’à la fin de son mandat en 2022. Sinon, le gouvernement Trudeau enverrait un bien drôle de message aux employeurs en banalisant le harcèlement psychologique au travail.

> Voyez le reportage de Radio-Canada sur le climat de travail à Rideau Hall

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