L’une des leçons du leadership tirée des biographies des plus grands présidents américains, c’est l’importance pour les dirigeants de se détendre et de prendre des vacances. Surtout en temps de crise !

Certains ont sursauté lors du discours de remaniement ministériel de François Legault, il y a quelques jours, lorsqu’il a terminé en souhaitant à tous les Québécois un « bel été »…

Comment ça, un bel été ? Il part en vacances ? Le premier ministre ne va tout de même pas nous abandonner du jour au lendemain après nous avoir tenus informés au quotidien pendant des mois ? Et ce, alors que la crise sanitaire « entre dans une période charnière », comme a dit Horacio Arruda vendredi !

Finalement non, il ne part pas en vacances, du moins pas tout de suite. Mais on espère bien qu’il en prendra plus tôt que tard. Et Justin Trudeau aussi.

Car même en temps de crise, même en temps de pandémie, les leaders doivent s’éloigner du war room et des caméras pour se refaire une santé mentale !

En fait, il est même plus important encore de prendre congé pendant une crise qu’en temps normal !

PHOTO PATRICE LAROCHE, LE SOLEIL

Notre éditorialiste en chef espère que François Legault prendra des vacances plus tôt que tard.

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Au début de la pandémie, on s’est beaucoup interrogé sur le leadership dont ont fait preuve – ou pas – les chefs d’État. Quels sont les leaders qui se révèlent en ces temps de crise ? Et pourquoi ?

On a ainsi décortiqué les talents de communicateur de François Legault. Les difficultés de Justin Trudeau à sortir de ses textes. La stature qu’a gagnée Doug Ford. On a souligné la surreprésentation des femmes parmi les chefs d’État qui se distinguent. Et on a critiqué Donald Trump qui a gravement sous-estimé la crise, Boris Johnson qui s’est retrouvé à l’hôpital en raison de sa négligence et Emmanuel Macron, qui a décidément beaucoup de difficulté à gagner la confiance de ses concitoyens.

Mais il y a une chose dont on n’a pas discuté. Une chose qui s’avère primordiale pour tout leader qui doit guider en temps trouble : l’importance de prendre congé de la crise… pour mieux gérer la crise.

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C’est une des conclusions à laquelle est arrivée la biographe des présidents américains, Doris Kearns Goodwin, après avoir analysé le travail de quatre d’entre eux pendant des périodes tumultueuses.

Le livre Leadership in Turbulent Times décortique les mandats de Lincoln, Theodore Roosevelt, Franklin D. Roosevelt et Lyndon Johnson alors qu’ils vivaient des moments de crise pour mieux cerner ce qui forme un leader et ce qu’est le leadership.

On y découvre l’importance du caractère, de l’empathie et de l’ouverture aux idées contraires. On évoque la nécessité d’avoir à la fois du cœur et de l’esprit, de la flexibilité et de la fermeté.

Mais une chose que Mme Goodwin a aussi constatée, c’est l’importance de prendre une pause. Même au plus fort des crises qu’on traverse.

Elle raconte ainsi que Lincoln est allé au théâtre 100 fois pendant la guerre, pour se changer les idées et réduire son anxiété. Tandis que FDR organisait des cocktails tous les soirs pendant la Seconde Guerre mondiale.

Il y avait une condition pour y assister : ne jamais parler de la guerre.

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Reste Lyndon B. Johnson. C’est en quelque sorte le contre-exemple.

« LBJ ne pouvait jamais se détendre, c’était son problème, a expliqué au Guardian Kearns Goodwin, qui a pu passer beaucoup de temps avec lui pour écrire sa biographie.

« Même lorsque je nageais avec lui dans sa piscine du ranch, il y avait tout autour de lui des radeaux flottants sur lesquels étaient déposés des téléphones et des crayons pour travailler, donc on ne pouvait pas vraiment bouger. »

Or savoir diriger, c’est aussi savoir décrocher, lance la biographe, un conseil à tous les leaders de la planète qui s’applique très bien en ces temps de pandémie. Incluant à M. Legault et à M. Trudeau, qui n’ont pas encore annoncé formellement qu’ils partent en vacances.

La biographe cite ainsi en exemple Theodore Roosevelt, qui faisait de l’exercice deux heures par jour, tous les après-midi. Il aimait aussi le tennis, la boxe et la lutte, qu’il pratiquait régulièrement, ce qui ne l’a pas empêché d’obtenir le Prix Nobel de la Paix pour sa médiation dans la guerre russo-japonaise (car contrairement à Trump, lui travaillait entre ses séances de sport…).

Et plus que tout, ce président reconnu pour avoir jeté les bases du réseau de parcs nationaux aux États-Unis se permettait des randonnées dans les falaises boisées de Rock Creek Park, à Washington, dès qu’il le pouvait, pour échapper aux difficultés de son travail.

« L’une des leçons du leadership, selon Kearns Goodwin, est l’importance de se détendre et de reconstituer son bagage d’énergie. Car nous n’avons qu’une quantité limitée d’énergie. Il est important de ne pas l’épuiser. »

Surtout lorsqu’une crise se prolonge, comme celle de la COVID-19.

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