Depuis le début de la crise, le milieu de l’éducation nous fait penser à un énorme paquebot incapable d’effectuer les manœuvres nécessaires pour sortir de la tempête.

Le capitaine doit improviser et ça ne lui réussit pas toujours bien. Il y a souvent du sable dans l’engrenage de la salle des machines. De nombreux membres de l’équipage se démènent pour faire avancer le navire, mais certains rechignent.

Et la situation pourrait encore dégénérer. Car les jeunes vont forcément être nombreux à vouloir quitter le navire. Dans certains cas, par exemple, parce qu’on a eu besoin de leur aide sur le marché du travail. Dans d’autres parce que la motivation n’est plus là.

Des experts ont récemment sonné l’alarme : la pandémie pourrait offrir une voie rapide vers le décrochage à des milliers de jeunes au Québec.

> Lisez le texte de Louise Leduc

Ils ont raison de s’inquiéter et de vouloir mobiliser l’opinion publique. On n’a pas le temps de tergiverser.

D’autant plus qu’au Québec, la situation en matière de décrochage au secondaire était déjà fort peu reluisante. Annuellement, on parle d’un taux de 13 % chez les filles et de 22 % chez les garçons. Quant au taux d’obtention du diplôme secondaire après sept ans, il est de 83 %, ce qui fait de la province le pire élève au pays en la matière.

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Des améliorations ont été constatées ces dernières années, c’est vrai. On semblait avoir enfin pris la mesure, à Québec, de l’importance d’investir dans la réussite et la persévérance. Et puis… la pandémie a frappé.

Or, il n’y a pas de manuel d’instructions sur lequel on peut se fier pour s’en sortir. Il va falloir en produire un. La Terre appelle Québec ! On a besoin d’une stratégie, c’est urgent !

Il y a des signaux positifs, cela dit. On nous dit que le Ministère a créé un comité-conseil pour l’aider à gérer la situation. Le ministre Jean-François Roberge s’est mis à consulter les acteurs du milieu. Et il a écarté l’idée que la prochaine rentrée se fasse uniquement à distance pour les jeunes du secondaire. Ça bouge dans le bon sens.

PHOTO DAMIEN MEYER, AGENCE FRANCE-PRESSE

« Il va falloir se retrousser les manches comme jamais auparavant pour éviter une épidémie de décrochage », juge notre éditorialiste.

Mais on est encore loin d’une offensive musclée contre le décrochage. Et on constate que les couacs n’ont pas cessé de se multiplier. Par exemple, la distribution de tablettes et d’ordinateurs est déficiente. Et l’idée de contacter les élèves sur une base régulière – heureuse initiative qui a certainement un effet positif sur la persévérance – demeure, en pratique, à géométrie variable.

Or, personne ne doit rester dans l’angle mort. Et n’oublions surtout pas ceux qui s’y retrouvent trop souvent. Ceux qui fréquentent les centres d’éducation des adultes, par exemple, une clientèle déjà vulnérable que la crise fragilise davantage.

Ceux qui fréquentent les cégeps, aussi. Comment faire pour motiver ces jeunes, en particulier ceux qui vont faire leur entrée dans un établissement collégial cet automne, si l’enseignement à distance devient la règle ?

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Le capitaine du paquebot aura beau fournir un plan, ce ne sera pas non plus suffisant. Une mobilisation exceptionnelle de tous les acteurs concernés est fondamentale.

Du ministre aux parents en passant par les enseignants, les professionnels, les directions d’école et les divers organismes qui prennent nos jeunes sous leur aile.

Car des miracles, il n’y en aura pas.

On sait trouver les déterminants et les signes avant-coureurs du décrochage. Il faut se donner les moyens d’identifier les jeunes les plus vulnérables dès maintenant et d’intervenir rapidement (oui, cet été aussi, il faudra innover pour les soutenir ; le ministre Roberge a d’ailleurs fait part de son intérêt pour des initiatives ciblées d’ici la rentrée) pour les encourager à poursuivre leurs études.

Bref, en tant que société, il va falloir se retrousser les manches comme jamais auparavant pour éviter une épidémie de décrochage. Si on ne le fait pas, mieux vaut cesser de se répéter que ça va bien aller.

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