De ce côté-ci de la frontière, on a toujours observé le phénomène Trump avec de vives émotions, qu’on parvient généralement à regrouper en trois grandes catégories.

1. L’incompréhension.

Du genre : mais comment diable ont-ils pu voter pour lui ?

2. La pitié.

Du genre : pauvres, pauvres Américains, qui doivent le subir pendant quatre ans… et peut-être huit !

3. Le soulagement.

C’est ce sentiment que nous éprouvons le plus intensément depuis le début de la pandémie. Du genre : ouf, quand on se compare, on se console. D’autant plus qu’on demeure, ici, plutôt insensibles à l’attraction exercée par les démagogues populistes et provocateurs à la Trump. Les échecs successifs de Kevin O’Leary et de Maxime Bernier en sont des preuves non négligeables.

PHOTO SAUL LOEB, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le président Donald Trump, mardi au Capitole

Ce soulagement, il s’est accentué ces dernières semaines. Si bien qu’on vient de passer à une autre étape : quand on se compare, on mesure notre chance.

C’est d’ailleurs ce qui s’est passé lundi lorsque le président américain a affirmé qu’il utilise de l’hydroxycloroquine à titre préventif, en dépit de toutes les mises en garde émises ces derniers mois. Chaque fois qu’on pense avoir tout vu, il trouve un nouveau moyen de nous décontenancer.

Et chaque fois, on remercie le ciel de ne pas avoir un tel astronaute d’eau douce aux commandes de ce côté-ci de la frontière.

Entendons-nous : il ne s’agit pas d’absoudre nos dirigeants ; ils ont des torts. Ils ont eu des hauts, mais aussi des bas. Il y a eu des failles dans la gestion de crise tant à Ottawa qu’à Québec. Il y a eu des problèmes de communication et, par moments, des contradictions. Et ce n’est certainement pas terminé.

Il y a encore, également, des aberrations qui défient toute logique. On l’a dit, elles sont en général liées au fait que notre système de santé est devenu une bête tentaculaire, désorganisée et terriblement difficile à dompter.

Mais de la désinvolture ? Du laxisme ? Des faits alternatifs ? Des attaques mesquines et partisanes ? Ce fut l’exception plutôt que la règle, tant chez François Legault que chez Justin Trudeau.

Depuis plusieurs semaines, on constate qu’on peut compter sur des leaders qui ont à cœur l’intérêt public et qui déploient des efforts considérables pour gérer la crise de la meilleure façon possible. Ils sont imparfaits, mais ils ont plus de vertus que de vices.

De l’autre côté de la frontière, le président de la première puissance mondiale s’est fréquemment comporté, lui, avec nonchalance face à l’épidémie. Avec méfiance et arrogance à l’égard des faits et de la science. Et avec un tel narcissisme que son propre avenir politique semble pour lui plus important que le sort de ses citoyens.

Il y a des progrès dans la lutte contre le coronavirus sur le sol américain, bien sûr, mais ils semblent surtout survenir en dépit de Donald Trump et non grâce à lui.

Cela dit, il n’est pas le seul chef d’État à ne pas être à la hauteur du défi colossal que représente cette pandémie. Quand on compare nos dirigeants avec le premier ministre britannique Boris Johnson, par exemple, ou avec certains autocrates notoires, on mesure également notre chance.

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Le premier ministre du Royaume-Uni, Boris Johnson

On l’a souvent dit : on aura beaucoup de leçons à tirer de cette pandémie. L’une d’elles, c’est que les politiciens provocateurs, populistes et démagogues ont beaucoup de mal à gérer de façon responsable une crise d’une telle ampleur.

À la lumière de ces ratés, les politiciens perturbateurs à la Trump finiront peut-être par faire les frais du cynisme et de la colère à l’égard de la classe politique sur lesquels ils ont surfé pour prendre le pouvoir. Ce serait un juste retour des choses.

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