Depuis le début de la crise, les Québécois se sont rangés derrière le gouvernement Legault. Ils l’écoutent, ils l’appuient et lui ont même obéi. Mais cette confiance se fragilise à cause des récentes déclarations confuses.

Hier, le premier ministre Legault a mis de l’ordre dans les propos de son équipe sur le retour au travail des 60-69 ans. Enfin. Car de telles contradictions, son gouvernement ne pourra plus s’en permettre beaucoup. C’est la réussite du déconfinement qui est en jeu.

Pour respecter les consignes du gouvernement caquiste, il faut les comprendre et les accepter. Or, même avec de la bonne foi, ce n’est pas toujours facile.

Les Québécois ont été indulgents, mais ils ont leurs limites. Ils peuvent comprendre des erreurs, mais ils ne toléreront pas qu’on ne leur donne pas l’heure juste. En termes simples et clairs.

Depuis le début de la crise, Québec répète que c’est à partir de 60 ans que les gens sont « à risque ». Puis, mercredi, la vice-première ministre Geneviève Guilbeault a annoncé que ce n’était plus le cas. Désormais, ce serait à partir de 70 ans.

Pourquoi ? La science a changé ? La Santé publique l’autorise, a-t-elle simplement répondu, sans expliquer davantage. On en déduisait que c’était pour embaucher plus d’éducatrices et d’enseignantes.

En réaction à cette pénurie, le ministre de la Famille a même ouvert la porte à la possibilité que les grands-parents gardent leurs petits-enfants. Soit exactement ce qu’on interdisait il y a une semaine.

Hier, MM. Legault et Arruda ont eu la sagesse de reporter d’une semaine le retour en classe dans le Grand Montréal.

Ils ont aussi été clairs et francs. Non, le risque zéro n’existe pas. Oui, les sexagénaires sont plus à risque. Mais certains sont en forme et donc moins vulnérables. Ceux-là pourraient vouloir travailler ou garder leurs petits-enfants. Et inversement, ceux qui ont des ennuis de santé pourront être exemptés du travail.

Où tracer la ligne ? Il n’existe pas de réponse objective, a reconnu M. Legault. On essaie de faire la somme des avantages et des inconvénients et une multitude de facteurs doivent être considérés, comme la hausse de la violence familiale causée par le confinement.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

Le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, et le premier ministre, François Legault

Ce calcul n'est pas une science exacte. En fait, il relève autant de la politique que de la science.

On peut être en désaccord avec le choix du gouvernement. Mais au moins, on le comprend un peu mieux.

Pour l’interdiction des rassemblements, toutefois, ce n’est pas encore limpide. D’un côté, le décret permet les rencontres à condition de respecter la distanciation physique. De l’autre, le gouvernement répète chaque jour que les rassemblements sont « interdits » ou « à éviter ».

Bien sûr, sur le plan de la communication, le défi est immense.

Il est contre nature pour un gouvernement d’avouer que ses choix feront des morts. Mais c’est la triste vérité : peu importe la décision, il y en aura.

Québec veut édicter des normes claires tout en faisant confiance aux gens pour les interpréter avec leur gros bon sens. Par exemple, la Santé publique veut protéger les grands-parents sans lancer la police à leurs trousses s’ils invitent leurs petits-enfants à jouer dans l’entrée de garage. Ce n’est pas facile à expliquer en conférence de presse.

On comprend que la crise nous plonge dans l’inconnu. Qu’il n’existe pas de manuel pour la gérer. Que le plan doit être constamment ajusté en cours de route.

On comprend aussi qu’avant de juger le gouvernement, il faut considérer les choix imparfaits devant lui et les informations incomplètes à partir desquelles il doit trancher.

Et on comprend que le déconfinement se fera par étapes, ce qui signifie que pendant quelques semaines ou mois, des choses seront permises dans certains contextes et interdites dans d’autres.

Reste que la transparence devra être à la hauteur des sacrifices demandés. C’est la moindre des choses quand on propose le plan de déconfinement le plus téméraire au pays.

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