Il y a eu deux types de réactions à la suite de l’annonce par Ottawa d’une prestation d’urgence aux étudiants postsecondaires. Elles sont aux antipodes l’une de l’autre. D’un côté, de l’enthousiasme. De l’autre, des inquiétudes.

De l’enthousiasme : de la part des étudiants.

On les comprend. Dans les circonstances, plusieurs ne seront pas capables de se trouver un emploi cet été, sans être pour autant admissibles à la prestation canadienne d’urgence.

Des inquiétudes : de la part de nombreux employeurs, tant du secteur privé que du public.

On les comprend aussi. Avec le déconfinement de l’économie, ils vont avoir besoin de recruter des employés pour la saison estivale. Et ils craignent que l’aide accordée par Ottawa aux étudiants ne les incite à rester à la maison ou, s’ils trouvent un emploi, à limiter le nombre d’heures travaillées.

Qu’on se le dise : les souhaits des étudiants et ceux de leurs futurs employeurs ne sont pas inconciliables. Le programme n’a pas été finalisé. Il n’est pas trop tard pour l’améliorer.

Dans ce dossier délicat, le mieux n’est pas l’ennemi du bien.

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Il ne s’agit surtout pas ici d’insinuer que les étudiants sont paresseux. Ce n’est pas pour ça qu’on présume que certains vont être tentés de bouder le marché du travail. C’est plutôt parce qu’ils ont de solides compétences… en mathématiques !

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Le premier ministre Justin Trudeau

Le calcul se présente ainsi : la prestation de base qu’on leur offre se chiffre à 1250 $ par mois, de mai à août. Ils y auront droit uniquement s’ils gagnent moins de 1000 $ par mois. Ça signifie qu’au Québec, si un étudiant payé au salaire minimum travaille 19 heures ou moins, il va l’obtenir.

Mais si cet étudiant travaille entre 20 et 42 heures par semaine, il va gagner moins d’argent que s’il ne travaille que 19 heures et bénéficie de l’aide d’Ottawa. Vous feriez quoi à sa place ?

Tant le Parti conservateur que le Bloc québécois réclament, avec raison, des changements à cette prestation.

Le Bloc négocie actuellement un ajout à la motion du gouvernement (qui doit être déposée ce mercredi) afin de permettre à la fois d’aider ceux qui en ont besoin tout en les incitant à chercher un emploi. Il propose de réduire la prestation fédérale, pour chaque dollar gagné au-delà de 1000 $, de 50 %. Et non de la couper en entier.

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Dans le même ordre d’idées, permettez-nous une autre suggestion.

Le moment est venu pour Ottawa de consulter davantage tant les provinces que les chefs des partis de l’opposition avant d’élaborer de telles politiques publiques.

Parce qu’on est désormais moins dans l’urgence. Et parce qu’on le voit bien, les mesures auraient tout avantage à être peaufinées pour en atténuer les effets pervers avant de les rendre publiques. Dans le but de tenir compte, notamment, des réalités régionales qui varient parfois grandement d’une province à l’autre.

D’ailleurs, il faudra peut-être un jour aussi songer à certains ajustements à la Prestation canadienne d’urgence (PCU). Le titulaire de la Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques à l’Université de Sherbrooke, Luc Godbout, avait écrit à certains ministres fédéraux au début d’avril pour les prévenir que « le gouvernement doit favoriser la transition des prestataires vers le retour au marché du travail. Sinon, avec les paramètres actuels, il y a un fort risque d’observer une désincitation au travail pour certains travailleurs ».

Québec a tenté d’en colmater les brèches avec le Programme incitatif pour la rétention des travailleurs essentiels et Ottawa, nous a-t-on dit hier, a accepté de le financer.

Mais alors que le Québec s’apprête à relancer son économie, les doléances de certains employeurs et des avertissements comme ceux de Luc Godbout demeurent brûlants d’actualité. Ottawa aurait tout avantage à en prendre bonne note.

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