Même s’il était nécessaire de dévoiler les projections sur la COVID-19, elles ne changeront pas grand-chose.

Car peu importe le nombre de morts ou de personnes infectées et hospitalisées, la stratégie demeure la même à court terme : le confinement et la distanciation sociale. Pour la simple raison que c’est la seule stratégie qui existe.

En attendant un vaccin ou un remède antiviral, il n’y en a pas d’autre.

Certes, ces projections devaient être rendues publiques. Dans la crise actuelle, le premier ministre Legault demande aux Québécois d’être solidaires et cela exige une confiance réciproque entre la population et son gouvernement. Pour accepter d’obéir, il faut être convaincu qu’on ne nous cache rien.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

« Reconnaissons tout de même que le Ministère est débordé et que ces données sont difficiles à colliger rapidement », souligne Paul Journet.

La transparence a aussi le mérite de rendre l’enjeu plus concret. Entre les scénarios optimiste et pessimiste, il y a une différence de plus de 7000 morts en avril.

On répète, pour laisser le temps de digérer l’information : plus de 7000 vies sauvées seulement en incitant chacun à respecter le confinement et la distanciation sociale. C’est l’équivalent de 10 vies par heure.

D’ailleurs, les projections sont « réflexives ». Le simple fait de les dévoiler change les comportements et donc la fiabilité de la prédiction. C’est comme dire à un fumeur qu’il va mourir dans 10 ans – si cela l’incite à écraser pour de bon, le docteur aura eu tort et il en sera bien content.

Mais pour le reste, ces chiffres ne sont pas d’une immense utilité.

Que le scénario optimiste ou le scénario pessimiste soit le bon, que le sommet de la courbe soit atteint le 18 avril ou deux semaines plus tard, cela ne change rien à la nécessité de continuer de respecter les consignes.

De toute façon, ces projections devront être constamment mises à jour.

Les Québécois se demandent quand se terminera le confinement et la réponse n’existe pas encore.

La décision de prolonger la fermeture des écoles et des commerces non essentiels sera réévaluée jusqu’à la dernière minute, et c’est normal. Il faudra attendre à la fin d’avril.

Pour l’instant, les projections sont surtout utiles pour le réseau de la santé. Le défi est de prédire le nombre de patients à venir, les besoins en équipement et en personnel et leur distribution sur le territoire afin que notre système soit prêt à affronter la tempête à venir. Or, ces données, le réseau les colligeait bien sûr déjà.

Un peu plus de collaboration serait par contre apprécié avec les experts qui ne travaillent pas pour le Ministère. Ils pourraient analyser ces données afin d’établir leurs propres projections et fournir une perspective critique éclairée.

Par exemple, le biostatisticien Benoît Mâsse regrettait hier dans La Presse+ ne pas connaître entre autres la période d’incubation, le niveau de contagion des personnes asymptomatiques et le taux de létalité par groupe d’âge. Marie-Claude Boily, professeure de mathématiques appliquées à l’épidémiologie à l’Imperial College London, souhaitait aussi plus de détails sur les modèles utilisés. 

Reconnaissons tout de même que le Ministère est débordé et que ces données sont difficiles à colliger rapidement – elles peuvent venir autant des laboratoires que des hôpitaux ou des enquêtes de santé publique.

Pour le reste de la population, comme nous, ça ne change pas grand-chose. Il n’y a qu’une chose à faire : demeurer autant que possible chez soi et continuer d’attendre.

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