La semaine dernière, Régine Laurent, présidente de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, a fait un geste qui ne faisait absolument pas partie de son mandat. Elle a effectué une sortie publique pour sonner l’alarme sur les effets collatéraux du confinement.

Le gouvernement se démène pour sauver des vies menacées par le coronavirus et pour que le réseau hospitalier puisse tenir le coup. C’est la meilleure des stratégies, mais elle a un angle mort. Et on y retrouve, notamment, les jeunes les plus vulnérables.

C’est ce signal que Régine Laurent voulait envoyer de façon pressante.

« Cette crise crée une zone de risque de maltraitance des enfants, et c’est encore plus vrai dans les familles déjà touchées par diverses problématiques personnelles ou sociales », a-t-elle indiqué.

Le même jour, à Joliette, s’est produit un drame, un autre. Lors d’une intervention de la DPJ auprès d’une famille, un enfant de 2 ans a été retrouvé mort.

C’est important ici de préciser que la déclaration de Régine Laurent n’a pas été faite en réaction à ce drame. C’était une coïncidence.

C’est d’autant plus troublant.

Ça démontre à quel point les craintes exprimées étaient fondées.

Avant même l’épidémie et le confinement, le système de protection de la jeunesse était dans un état lamentable. La crise actuelle le fragilise encore plus.

La façon la plus sûre de confirmer ce diagnostic, c’est de jeter un œil sur les signalements. Ils sont en chute libre, a révélé récemment notre journaliste Katia Gagnon.

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« [La stratégie du gouvernement] a un angle mort, explique notre éditorialiste. Et on y retrouve, notamment, les jeunes les plus vulnérables. »

Et ce n’est certainement pas parce que la vie quotidienne s’est améliorée pour une poignée d’enfants vulnérables. Les abus et la négligence n’ont pas cessé. On peut même prédire que plus le confinement se prolongera, plus ils vont s’accentuer.

Ce qui se passe, c’est que ceux qui font les signalements – et qui font souvent partie du réseau scolaire et des services de garde – ne sont plus là pour veiller sur ces jeunes.

Dans le système hospitalier, on le sait, des mesures exceptionnelles ont été déployées pour faire face à la crise. Or, dans le secteur de la protection de la jeunesse, on n’a pas encore mis de l’avant de plan d’action à la hauteur des défis qui se posent et des tragédies potentielles qu’on veut à tout prix éviter.

En fait, c’est plutôt le contraire qui se passe. On sent qu’à Québec et au sein du réseau, on marche sur des œufs quant aux tâches des intervenants de la DPJ à l’heure du coronavirus. On veut protéger leur santé et réduire le plus possible les risques qu’ils deviennent des vecteurs de la contamination.

Mais le résultat, nous dit-on, c’est que les gestionnaires du réseau ne font pas que demander aux intervenants de privilégier le télétravail, ils tardent aussi à produire un plan d’urgence pour aider les jeunes potentiellement touchés par la crise. Ceux qui sont sur les listes d’attente, par exemple. En temps normal, s’ils ont un problème, le milieu qu’ils fréquentent peut donner l’alerte. Mais là, ils sont confinés et isolés.

À Québec, on dit chercher activement des solutions qui devraient permettre d’aider ces jeunes. On est en contact avec la Fédération québécoise des organismes communautaires famille et la Fondation du Dr Julien. « Le travail chemine bien », affirme-t-on au bureau du ministre Lionel Carmant.

Le temps presse. Et dès que des solutions à court terme auront été trouvées, c’est au long terme qu’il faudra penser.

On avait à peine commencé à boucher les trous dans la coque du navire et il y a maintenant le feu dans la salle des machines. Lorsque la courbe sera aplatie, le remettre à flot – avec le rapport à venir de la commission Laurent comme manuel d’instruction – devra être une priorité.

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