Ironique, tout de même.

On se replie à l’intérieur de nos frontières. On ferme la porte aux étrangers. On a même envisagé chez nos voisins de déployer l’armée le long du Canada pour s’assurer que personne ne rentre, imaginez…

C’est ironique, d’abord parce que c’est le Canada qui devrait songer à se prémunir contre son voisin du Sud.

Mais c’est ironique de se replier ainsi, surtout parce que la menace que pose la COVID-19 est mondiale, et que la solution le sera aussi.

Bien sûr, il fallait clouer au sol les avions, restreindre la circulation internationale à l’essentiel et s’assurer d’un certain confinement à l’intérieur des frontières. La Chine a prouvé que c’est la chose à faire.

Mais attention avant d’en profiter pour se replier complètement sur soi, en pensant que les pays s’en sortiront en se concentrant uniquement sur ce qui se passe chez eux.

C’est un peu ce qu’on a vu à l’œuvre cette semaine au pays, quand le Parti conservateur a vertement critiqué Justin Trudeau parce qu’il a transféré en Chine 16 tonnes d’équipement médical le mois dernier.

« Scandaleux », a tonné Andrew Scheer !

Or n’est-ce pas ce qu’un gouvernement responsable devait faire au moment où le virus se propageait de manière inquiétante dans ce premier foyer national pour éviter qu’il prenne une ampleur démesurée ?

C’est le même raisonnement qui a d’ailleurs poussé la Chine, il y a deux semaines, à envoyer de l’équipement médical en grande quantité en Italie, maintenant que l’épicentre de la crise est hors de ses murs.

En pleine pandémie, un choix majeur s’offre aux pays : l’isolement nationaliste ou la solidarité globale. C’est ainsi que Yuval Noah Harari, auteur du best-seller Sapiens, résume le contexte actuel dans une tribune fascinante publiée dans le Financial Times (accessible gratuitement).

Autrement dit, ou bien les pays profitent de la fermeture de leurs frontières pour se replier sur eux-mêmes, ou bien ils se serrent les coudes et offrent une réponse globale à un problème qui est global.

« Chaque crise est une chance à saisir, écrit-il. Espérons que cette crise aidera l’humanité à comprendre le danger posé par la désunion globale. »

Or pour l’instant, c’est mal parti ! Et pas juste en raison de la réaction du Parti conservateur aux initiatives humanitaires du Canada. On n’a en effet qu’à jeter un œil à la rencontre du G20 qui s’est tenue cette semaine. Une rencontre organisée par l’Arabie saoudite, responsable d’une guerre des prix du pétrole, et plombée par les États-Unis, obsédés par la recherche de coupables à montrer du doigt hors de ses frontières pour justifier les conséquences de ce « virus chinois »…

Résultat : rien de constructif.

PHOTO GARY RAMAGE, AGENCE FRANCE-PRESSE

Les leaders du G20 se sont rencontrés par vidéoconférence cette semaine.

Même chose avec les rencontres du G7 qui ont eu lieu jusqu’ici par vidéoconférence. Pas l’ombre du début d’un plan global. Et ce, même si la pandémie appelle plus que jamais une action concertée de la communauté internationale.

Bien beau de ralentir la propagation du coronavirus entre ses propres frontières, mais s’il se promène librement en Afrique, par exemple, il reviendra assurément au Nord. Tel un boomerang.

Le Toronto Star a d’ailleurs confirmé hier l’importance d’une réponse globale à la COVID-19, en révélant que des hôpitaux de partout dans le monde, dont le Canada, lançaient le projet « Solidarité ». Une initiative qui consiste à mettre en commun tout ce qu’ils apprennent sur le virus en temps réel afin de découvrir rapidement les traitements qui pourraient atténuer la pandémie, qui a déjà tué plus de 20 000 personnes sur la planète.

Voilà pourquoi Yuval Noah Harari se demande si nous irons vers la désunion ou si nous prendrons le chemin de la solidarité globale.

« La première option non seulement prolongera la crise actuelle, mais elle engendrera des catastrophes encore pires, conclut-il. Si nous choisissons la solidarité, ce sera une victoire non seulement contre le coronavirus, mais aussi contre toutes les futures épidémies et crises qui pourraient assaillir l’humanité au XXIe siècle. »

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