Pensez à l’Assemblée nationale. Quelle est la première image qui vous vient en tête ? Des députés qui s’engueulent ? D’autres qui se font mutuellement la prise du sommeil en prenant tout leur temps pour étudier un projet de loi ?

Ce serait injuste, bien sûr. Loin des caméras, les députés font un travail aussi rigoureux que sous-estimé. Mais en même temps, il est vrai que la partisanerie et l’inefficacité minent parfois les travaux parlementaires. Voilà pourquoi le projet de réforme déposé par le gouvernement caquiste contient plusieurs excellentes idées. À condition bien sûr que l’opposition puisse y trouver son compte…

Pour l’instant, si plusieurs idées sont pertinentes, la façon de les présenter, elle, laisse songeur.

Sur la forme, le document déposé par le leader parlementaire caquiste, Simon Jolin-Barrette, est intéressant.

Pour réduire les interventions inutiles, il ferait passer de 100 à 20 heures seulement les interventions des députés du parti gouvernemental lors de l’étude des crédits.

Pour s’adapter à la fin du bipartisme, il réduirait le seuil de députés et de votes requis pour qu’un parti soit reconnu.

Pour faciliter l’étude des projets de loi de l’opposition, il créerait une chambre citoyenne. Et il créerait aussi un poste de directeur parlementaire du budget, pour offrir une analyse économique indépendante des projets du gouvernement.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

« Il faudra que Simon Jolin-Barrette fasse preuve d’écoute et d’humilité afin de convaincre une opposition sur la défensive », écrit Paul Journet.

Pour que les élus nationalistes ne travestissent pas leurs convictions, il rendrait le serment à la reine optionnel.

Et pour mieux rendre des comptes à la population, le premier ministre pourrait être convoqué par ses adversaires chaque automne afin de répondre à leurs questions. Une audience de reddition de comptes serait aussi ajoutée pour questionner les sous-ministres et les dirigeants d’organismes, par exemple une société d’État comme Loto-Québec.

Voilà pour le positif.

Le problème, c’est la méthode.

La réforme parlementaire ne relève pas du gouvernement. Elle doit être adoptée de façon consensuelle par tous les élus. Elle devrait donc être négociée entre les quatre partis en mettant leurs propositions sur un pied d’égalité.

M. Jolin-Barrette a tenu à prendre l’initiative en « mettant la balle en jeu ». Or, c’est habituellement l’arbitre qui fait la mise au jeu. Pas un des joueurs.

À sa décharge, le ministre respecte une certaine logique. Il voulait d’abord valider ses propositions avant de les soumettre à la négociation. Et il ne fait qu’imiter la méthode employée par les libéraux lors du dépôt de leur dernier projet de réforme en 2004. Reste que c’était à l’époque du quasi-bipartisme et que cette façon de faire avait mené à des négociations acrimonieuses qui avaient duré cinq ans.

Il y a donc un risque que l’opposition se braque. D’autant plus que deux propositions caquistes seront difficiles pour elle à digérer : celles voulant que les ministres n’aient plus à siéger aux commissions parlementaires étudiant leurs projets de loi, et que les amendements doivent être déposés 48 heures à l’avance. Cela pourrait empêcher les députés de l’opposition de vérifier directement avec le ministre concerné ce que signifient les articles controversés ou imprécis de leurs projets de loi, et de s’ajuster pour déposer un amendement sur-le-champ si un problème est découvert. Il serait surprenant que l’opposition accepte de perdre ce pouvoir.

En même temps, on reconnaît que les amendements servent parfois de prétexte pour ralentir le travail du gouvernement. Un compromis pourrait être de réduire légèrement le temps de parole au sujet des amendements.

Malgré cette proposition problématique, le reste de la réforme caquiste contient plusieurs excellentes idées. Il faudra toutefois que M. Jolin-Barrette fasse preuve d’écoute et d’humilité afin de convaincre une opposition sur la défensive.

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