Avez-vous payé entièrement votre dernier solde de carte de crédit ? Si vous êtes comme environ deux Québécois sur cinq, la réponse est non. Et les banques s’enrichissent ainsi sur votre dos à coups de taux d’intérêt qui s’élèvent souvent à 20 %.

Alors que commence l’étude du projet de loi caquiste sur les agences de crédit, le libéral Carlos Leitão a raison de vouloir élargir le débat au-delà de la protection de la vie privée pour parler de l’endettement lui-même.

À première vue, le portrait n’est pas si inquiétant. Le taux d’épargne des Québécois augmente un peu. Et même si leur endettement provient d’abord de leur hypothèque – cette dette est associée à un actif qui prend de la valeur et constitue en fait un investissement.

Mais quand on creuse les chiffres, le portrait est moins positif. La dette de consommation augmente elle aussi.

Les citoyens se mettent dans le rouge pour payer des voitures, des électroménagers et des meubles. Selon un sondage Abacus réalisé en 2016, près de la moitié des Québécois seraient à 200 $ de l’insolvabilité*. Ils vivotent d’un chèque à l’autre. Et ce, malgré la faiblesse des taux d’intérêt et malgré la hausse des revenus et l’économie qui roule à plein régime. Bref, malgré un contexte favorable, qui ne durera pas éternellement.

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« Les banques s’enrichissent sur votre dos à coups de taux d’intérêt qui s’élèvent souvent à 20 % », rappelle notre éditorialiste.

M. Leitão, économiste et prévisionniste, a lancé quelques pistes de solution. Il voudrait entre autres forcer des concessionnaires de voitures, des magasins d’électroménagers et autres prêteurs à préciser le coût total d’emprunt sur leur facture.

C’est très bien, mais il faudra aussi élargir le débat.

Dans les dernières années, Québec a surtout traité le sujet sous l’angle individuel de la protection des consommateurs.

On protège les gens contre eux-mêmes – par exemple, depuis l’été dernier, d’ici 2025, le paiement minimal du solde d’une carte de crédit passera de 2 à 5 %. Et on protège aussi les gens contre les prêteurs non traditionnels vautours en exigeant qu’ils vérifient les dossiers de crédit et qu’ils préviennent les demandeurs quand leur ratio dettes-revenus bruts dépasse 45 %.

Or, selon les témoignages recueillis, cette dernière mesure n’est pas bien appliquée. Tout comme l’interdiction de combiner deux prêts automobiles sur une voiture (le prêt de l’ancien véhicule pas encore remboursé qui s’ajoute au prêt du véhicule neuf).

Tant mieux si on peut renforcer l’application des mesures existantes et en ajouter d’autres pour protéger les consommateurs.

Mais même si cette approche consumériste est nécessaire, elle ne suffit pas pour régler un autre problème : celui de la nécessité du recours à l’endettement.

Bien sûr, il y a une responsabilité individuelle : celle de ne pas surconsommer. C’est un échec, à voir les voitures devenir de plus en plus grosses et coûteuses et les maisons de plus en plus grandes.

Mais si les gens s’endettent, ce n’est pas toujours parce qu’ils gèrent mal leurs finances ou leurs besoins. C’est parfois simplement parce qu’ils manquent d’argent et qu’ils s’enfoncent dans une spirale d’endettement.

Selon une étude de l’Institut national de la recherche scientifique, le nombre de travailleurs « pauvres » a augmenté constamment depuis 1990. Près de 40 % des personnes en situation de pauvreté ont un travail. Ou, pour le formuler inversement : parmi les gens qui travaillent, plus de 8 % sont pauvres. Ce sont souvent des familles monoparentales qui peinent à trouver un logement abordable et qui croulent sous les factures.

Espérons que le gouvernement caquiste réponde à l’appel de M. Leitão pour mieux encadrer le prêt de consommation. Mais il devrait aussi aller plus loin et voir les causes profondes de l’endettement.

* Statistique Canada définit l’insolvabilité comme la situation d’une personne qui fait faillite ou qui doit faire une proposition à ses créanciers.

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