Lors du dévoilement de son Plan pour une économie verte, le premier ministre François Legault a fait une promesse solennelle aux Québécois.

Celle qu’il n’allait pas hausser les taxes sur le carburant. Nous vivons dans un territoire de grands espaces, a-t-il dit en substance, et le VUS et le pick-up font pratiquement partie de notre identité nationale.

Les écologistes, de leur côté, ont dénoncé un plan à forte saveur de carotte, sans bâton susceptible de punir nos mauvaises habitudes et de faire changer nos comportements.

Le Québec possède pourtant un bâton conçu exactement pour nous faire réduire nos émissions : le marché du carbone.

PHOTO DAVID BOILY, ARCHIVES LA PRESSE

Chaque fois que vous faites le plein, le marché du carbone prend une partie de l’argent que vous remettez au pompiste pour l’envoyer au Fonds vert.

Un outil qui, malgré ce que laisse entendre M. Legault, risque fort de propulser le prix de l’essence à la hausse au cours des prochaines années.

Mais il y a deux problèmes avec ce bâton. D’abord, on le cache au lieu de le montrer et de l’expliquer.

Ensuite, un règlement californien en réduit la portée.

Si nous sommes sérieux dans notre volonté d’atteindre nos cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre, ces questions doivent se retrouver au centre des discussions.

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Chaque fois que vous faites le plein, le marché du carbone prend une partie de l’argent que vous remettez au pompiste pour l’envoyer au Fonds vert. Cette ponction tourne actuellement autour de cinq cents le litre. Ce n’est pas beaucoup… mais ça pourrait grimper rapidement.

Résumons. Le Québec et la Californie sont liés par un système de plafonnement et d’échange. Chaque fois qu’une entreprise assujettie émet une tonne de carbone dans l’atmosphère, elle doit obtenir un droit de polluer pour la compenser. Le nombre de tonnes qu’elle peut émettre est aussi fixé par un plafond.

Une entreprise qui émet moins que son plafond peut vendre ses droits de polluer. Une entreprise qui en émet plus doit acheter des droits supplémentaires.

Or, actuellement, les entreprises tant québécoises que californiennes ne prévoient pas réduire suffisamment leurs émissions. Elles généreront donc peu de droits de polluer. Et comme dans tout marché, qui dit rareté dit prix élevés.

La pression est exacerbée par le fait que chaque année, le plafond d’émissions imposé aux entreprises baisse. Il deviendra donc encore plus difficile de générer des droits de polluer excédentaires.

D’un point de vue environnemental, cette hausse des prix anticipée est excellente. Elle envoie le signal aux industriels qu’il coûte moins cher de changer leurs procédés que d’acheter des droits de polluer.

Ce signal, en principe, doit aussi parvenir aux particuliers. Les distributeurs de carburant ne peuvent pas vraiment réduire leurs émissions. Leur seul choix est d’acheter des droits de polluer et de refiler la facture aux automobilistes. C’est ce qui explique que nous payons déjà cinq cents le litre sur l’essence. Et que nous payerons beaucoup plus si le prix de la tonne de carbone explose au cours des prochaines années.

En laissant croire aux Québécois que le prix de l’essence ne grimpera pas, François Legault tient donc des propos trompeurs. Il empêche les citoyens de faire des choix éclairés et décourage la modification des comportements.

Il ne joue pas non plus son rôle : celui de nous aider à éviter cette hausse par des mesures fortes comme un aménagement du territoire intelligent. Parce que l’objectif ultime, rappelons-le, n’est pas d’avoir un prix élevé sur le carbone. C’est d’utiliser ce signal pour modifier nos habitudes.

Le gros bémol dans cette histoire est que la Californie a fixé un prix plafond au marché du carbone qui empêche les forces du marché de bien jouer leur rôle. Dans quatre ans, si le prix plafond est atteint, les droits de polluer se négocieront autour de 100 $ la tonne de carbone. Ce serait certes une hausse brutale de plus de 400 % par rapport au prix actuel, et la population devrait être prévenue de cette possibilité.

Mais avec un impact d’environ 20 cents le litre sur l’essence, ce prix plafond serait encore probablement insuffisant pour décourager l’achat de VUS gourmands.

Le temps est donc venu de parler du marché du carbone… et de le renforcer.

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