En juillet dernier, le gouvernement a invité les Québécois ayant fréquenté les bars à se faire tester contre la COVID-19.

Dans les jours qui ont suivi, les files devant les cliniques de dépistage étaient telles que certains ont dû attendre jusqu’à cinq heures pour se faire tester.

Le gouvernement ne pouvait pas dire qu’il s’était fait prendre au dépourvu : c’est lui qui avait lancé la demande à la population ! Il a pourtant été incapable de prendre au bond cette balle qu’il avait lui-même lancée.

Pourquoi rappeler cela ? Parce que si tout se déroule comme prévu, une colossale opération de vaccination débutera dans à peine un mois. Des millions de Canadiens sont extrêmement impatients de recevoir leur vaccin contre la COVID-19. Des campagnes de sensibilisation se préparent pour convaincre les autres.

PHOTO NICOLE CRAINE, ARCHIVES LA PRESSE

« À partir de la mi-décembre, les chaînes de télévision pourraient montrer des Américains, des Allemands et des Britanniques se faire vacciner contre la COVID-19. Pendant que les Canadiens, eux, attendront encore leurs doses », écrit notre éditorialiste.

Bref, la pression sur le système s’annonce gigantesque. Elle est aussi prévisible.

Et pendant qu’on pousse les hauts cris sur le fait que certains pays obtiendront des doses avant nous, on se demande trop peu si on saura quoi faire de ces doses lorsqu’elles arriveront ici.

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On ne voudrait évidemment pas être à la place de Justin Trudeau. À partir de la mi-décembre, les chaînes de télévision pourraient montrer des Américains, des Allemands et des Britanniques se faire vacciner contre la COVID-19. Pendant que les Canadiens, eux, attendront encore leurs doses.

Politiquement, ces jours s’annoncent pénibles pour le premier ministre du Canada.

Pourtant, il n’y a là aucun scandale.

Les premiers lots de vaccins, malheureusement, ne pourront être partout sur le globe à la fois. Certains citoyens, c’est inévitable, seront vaccinés avant d’autres.

Dans un monde idéal, une agence internationale aurait coordonné la distribution des doses selon des critères objectifs et équitables. Ce n’est malheureusement pas ce qui se passera. Il existe bien un mécanisme appelé COVAX pour tenter d’apporter un semblant de justice au processus, mais il apparaît nettement insuffisant.

Ce sont donc largement les ententes commerciales qui dicteront l’ordre dans lequel les différents pays obtiendront les vaccins. Dans un tel contexte, on voit mal comment le Canada aurait pu faire mieux qu’obtenir les six millions de doses annoncées d’ici mars 2021. Notre pays, rappelons-le, représente un marché minuscule sur la scène internationale. Et aucune des entreprises qui ont des vaccins sur le point d’être approuvés ne possède d’usines sur le sol canadien.

Il est parfaitement normal que les pays qui ont le plus soutenu financièrement les vaccins et qui ont les infrastructures de fabrication chez eux se réservent les premiers lots. Le Royaume-Uni, par exemple, sera parmi les premiers à obtenir le vaccin d’AstraZeneca s’il s’avère efficace parce que l’Université d’Oxford y a fortement contribué. Mais, comme nous, il devrait attendre le début de l’année prochaine pour obtenir celui de Pfizer.

Non, le Canada n’est pas le tout premier dans la file. Mais il est loin d’être le dernier non plus. Les annonces récentes sur les vaccins nous ont rendus semblables à des chevaux qui sentent l’écurie et se bousculent pour y entrer le plus vite possible. Il faudra pourtant faire preuve de patience et de discipline au cours des prochains mois.

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Les délais de livraison, de toute façon, pourraient s’avérer précieux pour organiser la distribution des vaccins. Rien n’indique que les gouvernements se tournent les pouces à ce sujet. Québec a nommé cette semaine son « général » chargé de l’opération, le sous-ministre Jérôme Gagnon.

Selon nos informations, le ministre de la Santé prépare également un arrêté afin d’autoriser toutes sortes de professionnels de la santé (dentistes, physiothérapeutes, vétérinaires) à administrer le vaccin.

L’objectif : ne pas trop accaparer les infirmières, qu’on s’arrache déjà dans le réseau pour soigner les malades ainsi que faire les tests et le traçage de contacts.

La vaccination contre la grippe fait aussi office de vaste répétition générale. On vaccine déjà 200 000 personnes par semaine au Québec dans le contexte compliqué que l’on connaît. Cette expérience s’avérera précieuse.

Quant au fédéral, les provinces attendent impatiemment qu’il annonce les dates et le rythme auxquels les doses seront distribuées. S’il possède ces informations, il est en effet grand temps qu’il les fasse connaître.

Le diable est dans les détails dans ce genre d’opération et on ne posera jamais trop de questions sur le plan de la préparation. Les nouveaux professionnels qu’on veut autoriser à vacciner, par exemple, devront être formés. Il est déjà plus que temps de lancer ces formations. Il serait aussi souhaitable de mettre les bouchées doubles pour terminer la vaccination contre la grippe avant que celle contre la COVID-19 ne débute afin de libérer les équipes et les locaux.

Le passé nous enseigne qu’on ne se prépare jamais assez pour de telles manœuvres.

La vraie question, aujourd’hui, n’est donc pas de savoir si le Canada occupe le bon rang dans la file des pays qui attendent leurs vaccins. C’est de s’assurer que les files d’attente seront bien gérées chez nous lorsque ces doses seront livrées.

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