Donald Trump a été défait. Le temps est radieux comme jamais en cette mi-novembre. Et voilà qu’on annonce du positif du côté d’un vaccin contre la COVID-19, LA nouvelle que nous attendions tous.

Difficile de résister à ce sentiment que le vent est en train de tourner.

Il n’est pas question de jouer les rabat-joie : les résultats dévoilés lundi par Pfizer représentent réellement une bonne nouvelle. Moins d’un an après l’identification du virus, une telle avancée scientifique est même inespérée.

Mais dans notre enthousiasme bien légitime, il faudrait prendre garde à ne pas transformer cette bonne nouvelle… en mauvaise.

La pire chose qu’on pourrait faire actuellement serait en effet de considérer le virus comme soudainement moins dangereux. De baisser la garde en se disant que la guerre est presque gagnée. De penser que les sacrifices que nous faisons n’en valent plus vraiment la peine.

Au moment où l’épidémie montre des signes de relance au Québec, ce serait une erreur tragique.

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L’emballement suscité par l’annonce de Pfizer est justifié, mais il doit être tempéré.

D’abord, nous n’avons pour l’instant qu’un communiqué de presse diffusé par une entreprise pharmaceutique, et non des résultats complets révisés par des pairs.

L’annonce porte aussi sur ce qu’on appelle une analyse intérimaire, étape qui vise à savoir si un vaccin expérimental est assez prometteur pour que l’on continue à l’étudier.

On a appris que c’est le cas. C’est donc encourageant, mais insuffisant pour conclure à son efficacité et à sa sécurité.

Cela dit, il faut reconnaître que les chiffres, bien que préliminaires, sont vraiment bons. Et ce ne sont pas ceux de Pfizer – ils sont compilés par le comité indépendant qui supervise l’étude.

PHOTO ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le premier patient sur qui a été testé le vaccin développé par Pfizer, le 4 mai dernier à la University of Maryland School of Medicine de Baltimore

L’affaire est simple. Près de 44 000 participants ont été divisés en deux groupes : l’un qui reçoit deux doses du vaccin expérimental, l’autre non. On laisse ensuite ces gens vivre leur vie. Et on regarde qui contracte la COVID-19.

Jusqu’à maintenant, 94 participants ont été infectés. Or, plus de 90 % d’entre eux sont des non-vaccinés. Ce pourcentage diminuera peut-être à mesure que l’étude se poursuivra. Mais il représente une indication très forte que le vaccin protège de la maladie. Aucun effet secondaire grave n’a été détecté chez les milliers de participants.

Faute de données complètes, toutefois, bien des questions demeurent. Qui sont ces gens infectés malgré la vaccination ? Sont-ils tous des aînés, par exemple ? Le vaccin prévient-il les cas graves ? Quelle est la durée de l’immunité ? Le diable est souvent dans les détails, et on n’en a pas.

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Si le vaccin s’avère efficace, quand sera-t-il offert ? On peut déjà dire que la patience sera de mise.

Ottawa a un contrat d’approvisionnement en poche avec Pfizer pour au moins 20 millions de doses et le dossier d’approbation est déjà dans les mains des experts de Santé Canada. Cette proactivité du fédéral est à saluer.

Malgré cela, il faudra des mois, peut-être plus d’un an, avant que les Canadiens ordinaires soient vaccinés. Santé Canada a déjà annoncé que les personnes vulnérables et les travailleurs de la santé recevraient le vaccin en priorité, une décision qui tombe sous le sens.

Pfizer estime pouvoir fabriquer 50 millions de doses cette année, une goutte d’eau dans l’océan. On en promet 1,3 milliard l’an prochain, mais il faudra voir combien prendront le chemin du Canada. Et le vaccin de Pfizer doit être conservé à -70 degrés Celsius, ce qui annonce un casse-tête de distribution.

Même dans les meilleurs scénarios, la partie est donc loin d’être gagnée. On peut afficher un optimisme prudent face aux résultats de ce premier vaccin. Mais résistons à l’envie de lancer nos masques en l’air en se faisant l’accolade.

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