Il existe une voie de passage pour François Legault : il pourrait reconnaître l’existence d’une « discrimination systémique » des minorités visibles et des Premières Nations au Québec.

Quand François Legault a répondu lundi à la question d’un journaliste qui lui demandait s’il était prêt à offrir des excuses officielles pour la mort de Joyce Echaquan, on l’a vu à son meilleur : vrai, authentique, empathique.

« On va trouver le bon moyen de le faire », a-t-il lancé, visiblement bouleversé par toute cette histoire.

« Ce qui est arrivé à Mme Echaquan est totalement inacceptable. C’est gênant, a-t-il poursuivi d’un ton grave. Moi, je suis prêt à m’excuser auprès de la famille. »

Le lendemain, des excuses étaient présentées… et pourtant, quelques heures plus tard, la communauté de la victime, 300 km plus loin, répondait très durement au premier ministre.

Regrets ou pas, vous n’êtes pas le bienvenu chez nous !

Vous n’êtes pas « autorisé », avertissait-on, à participer aux funérailles de Mme Echaquan en raison de votre « fermeture concernant la reconnaissance du racisme systémique » à l’endroit des Premières Nations.

Cet échange montre bien sûr le niveau de colère des proches de Joyce Echaquan. Mais cela montre aussi que le chef du gouvernement n’en a pas fini d’essuyer les critiques pour son déni répété.

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En lieu et place de cette fermeture persistante, c’est avec l’authenticité et l’empathie dont il est justement capable que le premier ministre devrait aborder cet enjeu délicat. Surtout s’il ne veut pas le traîner comme un boulet durant tout son mandat.

Certains, bien sûr, encouragent M. Legault à taire l’existence du racisme systémique en répétant bêtement que « les Québécois » ne sont pas « racistes », et que de toute façon l’expression « n’a rien de scientifique ».

Mais ils sont nombreux à comprendre que la reconnaissance du racisme systémique n’a rien d’une dénonciation des comportements individuels ou d’un soi-disant travers culturel. Au contraire, c’est plutôt le « système » qui est visé : l’État, les politiques, les institutions (comme l’hôpital de Joliette, souvent dénoncé par les autochtones au fil des ans).

Il est donc paradoxal que François Legault et ses troupes refusent l’expression « racisme systémique », sous prétexte qu’ils ne veulent pas faire le procès des Québécois. Mais qu’ils reconnaissent et dénoncent en même temps l’existence de comportements racistes individuels.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, LA PRESSE CANADIENNE

« Épargnons-nous ce débat sémantique si cela permet de dénouer l’entêtement au sommet de l’État », écrit François Cardinal.

Surtout que le plus important dans l’expression « racisme systémique », ce n’est pas le racisme, c’est son caractère systémique.

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Il existe ainsi une voie de passage pour M. Legault et pour son parti, s’ils souhaitent prouver que leur entêtement n’est pas que le reflet d’un nationalisme frileux, incapable de voir le Québec autrement qu’en éternelle victime de la majorité.

Le premier ministre pourrait en effet mettre de côté le mot « racisme », s’il le trouve trop chargé, et s’en tenir à la reconnaissance d’une « discrimination systémique » des minorités visibles et des Premières Nations au Québec.

Car voilà ce qu’il faut enrayer : l’existence d’une discrimination intégrée dans les institutions.

Une discrimination qui ouvre la porte à du profilage racial dans la police, à un traitement différent dans le réseau de la santé, à des difficultés plus grandes pour les minorités visibles à signer un bail, à des obstacles à l’embauche pour les personnes dont le nom a une connotation étrangère, etc.

Est-ce du « racisme » ? Laissons le débat aux experts, pour reprendre une réponse récente du cabinet Legault. Et attardons-nous au phénomène documenté : « la somme d’effets d’exclusion disproportionnés » que vivent les minorités visibles et les autochtones, selon l’expression de la Commission des droits de la personne.

On trouvera toujours des gens pour répondre à la famille Echaquan et à tous ceux qui croient en l’existence d’un racisme systémique que les institutions ne sont pas « racistes », pas plus que les policiers, les employeurs, les propriétaires de logements ou « les Québécois ».

Soit. Épargnons-nous ce débat sémantique si cela permet de dénouer l’entêtement au sommet de l’État. Mais l’existence d’une discrimination systémique, elle, est impossible à nier sans mauvaise foi.

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