C’est un peu désespérant. Pendant que la Colombie-Britannique semble (encore) en bonne voie d’aplatir sa courbe et que le nombre de cas par millier d’habitants reste (encore) considérablement plus faible en Ontario que chez nous, le Québec se retrouve (encore) à être l’épicentre de l’épidémie de COVID-19 au pays.

Ça vous rappelle le printemps ?

Le fait que la grande majorité de la population québécoise se réveillera jeudi en zone rouge, avec les nouveaux interdits que cela comporte, ne devrait étonner personne. Cela fait maintenant cinq semaines que les cas sont en augmentation constante dans la province.

Or, s’il y a une leçon qu’on aurait dû apprendre de la première vague, c’est qu’il ne faut jamais laisser l’avance à ce virus sous peine de perdre le contrôle. Qu’agir tôt est plus facile et moins douloureux qu’agir tard.

Malheureusement, il semble que tant le gouvernement que la population aient oublié cette leçon.

D’où l’interdiction de recevoir des invités et la fermeture des bars, salles à manger, musées et bibliothèques annoncées lundi soir par le premier ministre François Legault. Ces mesures causeront toutes sortes de désagréments à toutes sortes de gens. Mais elles étaient devenues nécessaires et sont mesurées dans les circonstances. Psychologiquement, l’idée de les imposer pendant 28 jours plutôt qu’indéfiniment les rend aussi plus faciles à avaler.

PHOTO PAUL CHIASSON, LA PRESSE CANADIENNE

Le ministre de la Santé et des Services sociaux, Christian Dubé, le directeur national de santé publique, Horacio Arruda, et le premier ministre, François Legault, lundi à Montréal

Le trio Legault-Dubé-Arruda a bien expliqué pourquoi il demande ces sacrifices : pour protéger les écoles et le système de santé. Considérons qu’ils sont le prix à payer pour avoir tardé, collectivement, à agir.

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Pendant tout le printemps, on a pointé un coupable pour expliquer le fait que le Québec soit la province canadienne la plus touchée par la COVID-19 : la semaine de relâche. L’explication n’est pas sans fondement. Des recherches viennent de montrer qu’au moins 200 introductions différentes du virus ont frappé le Québec avant la fin du mois de mars, provoquant plusieurs foyers d’éclosion.

Sauf que six mois plus tard, l’excuse ne tient plus. Le Québec avait réussi à maîtriser l’épidémie au cours de l’été et l’a laissée repartir. Cette fois, il faut se regarder dans le miroir et assumer nos responsabilités.

Interrogé à savoir pourquoi le Québec trônait encore une fois au sommet des provinces les plus frappées, Horacio Arruda y est allé vendredi dernier d’une autre hypothèse extérieure : la province serait touchée par la souche « européenne » du virus, plus contagieuse que la souche « asiatique » qui sévirait ailleurs au Canada.

PHOTO GRAHAM HUGHES, LA PRESSE CANADIENNE

« Cette fois, il faut se regarder dans le miroir et assumer nos responsabilités », écrit Philippe Mercure.

Certaines études suggèrent en effet que le virus qui a d’abord touché l’Europe était plus contagieux que celui qui a touché l’Asie. Sauf que selon les données du réseau international Nexstrain, la source « européenne » a complètement supplanté la souche asiatique au Canada et représente maintenant la totalité des nouvelles infections. Bref, il semble qu’on se batte maintenant contre le même virus d’un océan à l’autre.

De toute façon, cette hypothèse ne devrait jamais servir d’excuse et nous déresponsabiliser face aux ratés de la deuxième vague. Car il y a eu des ratés. D’abord du côté de la population. Un sondage a montré qu’à la fin d’août et au début de septembre, les Québécois ont baissé la garde davantage que les habitants des autres provinces. Bref, dans la liste des coupables, la relâche des comportements a remplacé la relâche scolaire.

Mais le gouvernement doit aussi assumer sa part de responsabilité. Quelques semaines à peine après la remontée des cas, la Santé publique était tellement dépassée par le traçage de contacts qu’elle a refilé cette tâche… aux personnes infectées elles-mêmes ! On avait pourtant tout l’été pour se préparer.

L’idée n’est pas de distribuer les blâmes, mais il faudra bien que le gouvernement nous explique pourquoi, encore une fois, la situation est bien pire chez nous qu’ailleurs. Sachant la nécessité d’agir tôt, la stratégie des codes de couleurs, avec ses mesures très graduelles, est-elle encore la bonne ? La question se pose.

On a tous envie d’oublier le printemps dernier – nos aînés morts seuls, l’armée dans les CHSLD, les rues désertes et les écoles fermées. Il est pourtant crucial de s’en souvenir si on ne veut pas le revivre. Souhaitons que l’électrochoc de voir les nouvelles restrictions s’abattre sur Montréal et Québec ravive quelques souvenirs, aussi douloureux soient-ils. Parce que si le test de 28 jours auquel nous soumet le gouvernement échoue, ils reviendront peut-être nous hanter pour vrai.

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