La crise du logement et la pandémie ont accentué le problème de l’itinérance à Montréal

Une soixantaine de tentes longent une mince bande de terrain coincée entre une piste cyclable et la quasi-autoroute de la rue Notre-Dame.

Entre les tentes, de vieux vélos, quelques toutous, des chariots, des cordes à linge improvisées. Le bataclan de ceux qui traînent toutes leurs possessions avec eux.

PHOTO OLIVIER JEAN, LA PRESSE

Campement improvisé près de la rue Notre-Dame

Depuis l’été, ce campement rassemble une centaine de personnes qui n’ont pas d’autre endroit où habiter. Ils ne sont pas les premiers Montréalais à trouver abri sous une tente. Mais un campement aussi vaste et aussi organisé, on n’avait jamais vu ça.

Même si ses habitants vivent des situations de toute nature, et que plusieurs sont des habitués de la rue, ce camping urbain nous dit quelque chose sur la difficulté de trouver un toit décent à Montréal. Surtout en temps de COVID-19.

Le nombre de sans-abri a doublé en ville depuis mars, a récemment déploré la mairesse Valérie Plante. Ils seraient passés de 3000 à 6000. Ce n’est pas un décompte précis, mais plutôt une estimation fondée sur les observations des organismes qui leur viennent en aide. N’empêche : le phénomène de l’itinérance est en croissance.

Un chiffre intéressant : environ 20 % des campeurs de la rue Notre-Dame en sont à leur premier épisode d’itinérance. Chacun a son histoire. Mais ces histoires surviennent à la conjonction de deux phénomènes : la crise du logement qui frappe Montréal. Et, bien sûr, la pandémie.

La première est liée à la bulle immobilière qui fait exploser le prix des loyers — ils ont augmenté de 40 % en cinq ans.

Pour un prix moyen de 1258 $ par mois, selon une étude des annonces sur Kijiji.

Ajoutez-y un taux d’inoccupation comme Montréal n’en avait pas vu depuis 15 ans — 1,5 % — sur fond de spéculation foncière. Le marché est dur, très dur pour les locataires.

Et puis, il y a la pandémie qui, comme dans d’autres secteurs d’activité, a fragilisé les plus fragiles. Le confinement a rendu la colocation plus problématique, les petits boulots permettant de joindre les deux bouts ont disparu, et il faut un minimum de stabilité pour accéder à la PCU.

Des gens se sont retrouvés à la rue pour défaut de paiement. Des couples ont éclaté sous la pression de la pandémie. Sans oublier l’impact de la COVID-19 sur la santé mentale. C’est la « tempête parfaite » pour pousser plus de gens vers la rue.

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À court terme, pour pallier le plus urgent, il faudra bien sûr plus de places en refuges cet hiver. L’an dernier, la Ville avait ajouté 200 lits et organisé trois « haltes chaleur ». Il en faudra au moins deux fois plus.

À moyen terme, pour émerger de cette double crise, ce qu’il faut, c’est des logements à loyers modiques. Des milliers.

L’entente signée (enfin !) avec Ottawa injectera 1,8 milliard en 10 ans pour la construction de HLM. Mais ça prendra du temps. Des organismes qui œuvrent dans le secteur demandent au gouvernement Legault de mettre le pied sur l’accélérateur. De lancer des projets tout de suite, quitte à décaisser des sommes avant l’arrivée des sommes promises par Ottawa.

Ce serait d’autant plus bienvenu que le gouvernement Legault est loin, très loin d’avoir « livré » les 15 000 logements sociaux qu’il s’était engagé à construire. C’est le moment de monter la cadence.

Une autre piste pour aller plus vite : rénover les quelque 300 unités de HLM aujourd’hui barricadées parce que jugées non habitables. Ou encore, élargir l’accès au Programme de soutien au loyer (PSL.) Ou, à plus long terme, mieux contrôler les hausses de loyer.

On n’éliminera jamais complètement le phénomène de l’itinérance. Mais il faut agir pour empêcher que les « campings » comme celui de la rue Notre-Dame deviennent la norme au lieu d’être l’exception.

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