Le mot est lourd et inélégant, il a fait son entrée dans la langue populaire à la faveur de la pandémie de COVID-19 : présentiel.

Mais on a beau juger que le terme est rebutant, la réalité qu’il représente est devenue d’autant plus attrayante qu’elle se fait rare. Il s’agit de rencontres en chair et en os, sans l’intermédiaire d’un écran, avec tout le contact humain que cela implique.

Alors que les écoliers québécois sont en train de vivre une rentrée essentiellement présentielle, au cégep, c’est une autre paire de manches. Nous sommes devant un modèle hybride qui risque malheureusement de laisser filer entre les mailles les élèves les plus fragiles.

PHOTO PATRICE LAROCHE, LE SOLEIL

Rentrée scolaire – ou solitaire – au cégep Limoilou

Particulièrement ceux qui commencent leurs études collégiales cette année. Or, des 78 000 jeunes qui ont amorcé leur formation collégiale à la fin août, nombreux sont ceux qui feront toute leur première session sans mettre les pieds dans une classe.

Ils ne croiseront pas leur prof au détour d’un corridor, ne discuteront pas du contenu du cours en quittant la classe, ne participeront pas à ces activités para-académiques aussi formatrices, à cet âge, que le sont les cours eux-mêmes.

Ce qui frappe dans cette rentrée collégiale à l’ombre de la COVID-19, c’est à quel point elle se déroule selon une géométrie variable.

Québec a fixé aux cégeps un objectif de 30 % de cours en « présentiel ». Certains cégeps sont en mesure d’assurer 100 % de présence. C’est le cas, notamment, du cégep de Baie-Comeau. D’autres jonglent difficilement avec des programmes techniques qui exigent plus de présence, et des bâtiments surpeuplés où les règles sanitaires sont difficiles à assurer.

Plus l’établissement est gros, plus c’est difficile. Les directions de certains méga-cégeps de Montréal doivent carrément résoudre la quadrature du cercle. Les élèves en sciences humaines, ceux qui n’ont pas besoin de labos ou de matériel pratique compliqué, sont les plus nombreux à être refoulés vers l’enseignement à distance.

On comprend la difficulté de cette rentrée hors norme. Reste que des centaines, sinon des milliers de « néo-cégépiens » risquent de ne rencontrer aucun enseignant pendant toute la durée de la session. C’est une situation à éviter comme la peste (ou la COVID-19…). En ce début de session, il est encore possible de trouver des aménagements. Quitte à sortir des sentiers battus.

Voici donc un plaidoyer en faveur de l’enseignement « présentiel ». Nous appelons le milieu collégial, administrateurs, enseignants et élèves inclus, à faire tout ce qui est possible pour ouvrir la porte à des rencontres en personne. Au moins de temps en temps, une semaine sur deux, ou deux fois par session. Hors campus s’il le faut.

Ce n’est pas normal de suivre un cours d’éducation physique sur Zoom quand Montréal regorge de parcs où on peut courir ou dérouler son tapis d’exercice !

Ce n’est ni normal ni souhaitable de suivre des cours d’art dramatique sur un écran. Et ce n’est pas non plus normal de ne jamais pouvoir échanger avec un enseignant à bâtons rompus, question de développer un lien humain minimal.

Le passage vers le cégep est un moment charnière. C’est la transition de l’adolescence vers l’âge adulte. C’est l’âge des grandes amitiés et celui des grandes découvertes. C’est aussi l’âge des grands choix, notamment professionnels. Plusieurs décrochent en cours de route. Et ils risquent d’être encore plus nombreux en cette année pandémique.

Une fois les premiers paramètres de la rentrée établis, il n’est pas trop tard pour s’ouvrir à de nouvelles initiatives, question de faire décoller les jeunes de leurs écrans. Si le virus se tient raisonnablement tranquille (ce qui n’est évidemment pas acquis), rien n’empêche les cégeps d’élargir l’enseignement « présentiel » progressivement, une initiative ou une classe à la fois.

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