« On fait la guerre avec l’armée qu’on a, pas avec celle qu’on souhaiterait avoir. » Le politicien américain Donald Rumsfeld fut un médiocre secrétaire à la Défense, mais il aura au moins laissé en héritage cette citation sensée.

On y songe quand on regarde la situation du ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, au moment où s’orchestre une rentrée délicate dans le cadre d’une crise de santé publique sans précédent.

Le réseau de l’éducation – son armée, en quelque sorte – pourrait être en meilleure forme. Et c’est un euphémisme. Pourtant, la rentrée doit avoir lieu. Nos enfants doivent aller à l’école. Le contraire serait irresponsable.

Un exemple parmi d’autres : la manchette de La Presse, lundi, faisait état des questions soulevées sur la ventilation dans les écoles de la province.

Ce ne sont pas tous les établissements qui ont un système de ventilation. Et lorsqu’il y en a, ceux-ci ne sont pas tous flambant neufs, on s’en doute.

Normal : les infrastructures du réseau ont été sous-financées pendant longtemps et les sommes – importantes, il faut le dire – investies ces dernières années n’ont pas encore permis la mise à niveau de l’ensemble du réseau.

Les médias ont aussi jeté une lumière crue, ces derniers jours, sur la pénurie de personnel dans les écoles. Des enseignants, il en manque encore plusieurs centaines au Québec, dont environ 500 dans les écoles du Centre de services scolaire de Montréal (CSSDM). Problématique ? Bien sûr.

Mais on ne va pas résorber la pénurie d’enseignants en criant lapin. C’est un travail de longue haleine.

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On pourrait continuer d’énumérer les obstacles à une rentrée parfaite en temps de pandémie. Ils sont légion.

Mais à un moment donné, le pragmatisme doit prendre le pas sur l’idéalisme. On ne pourra jamais, par exemple, avoir des enseignants en nombre suffisant pour faire passer à 12 ou 15 le nombre d’élèves par classe.

On ne va pas pour autant priver les jeunes d’aller à l’école à l’automne, et en janvier prochain, et… qui sait jusqu’à quand ? La pandémie n’a pas d’échéance.

On va d’autant moins les priver d’aller à l’école que le ministère de l’Éducation et les autorités de santé publique ont réussi à mettre au point un plan qui, dans les circonstances, tient la route.

Est-il parfait ? Non.

Des parents et des enseignants s’inquiètent ? C’est parfaitement normal.

Le risque zéro n’existe pas.

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« Cette fois, on devrait pouvoir parler d’adaptation et non d’improvisation », écrit notre éditorialiste.

Redémarrer le réseau implique l’acceptation d’un certain niveau de risque. Comme lorsqu’on permet à nos enfants de monter dans une automobile ou de nager dans une piscine, par exemple.

Est-ce qu’on aurait pu en faire encore plus pour atténuer le risque ? Peut-être, mais au détriment du bien-être des enfants, estiment en général les experts en santé publique.

Ce bien-être, c’est la possibilité de se retrouver chaque jour dans un milieu de vie accueillant où les mesures prises ne compromettent pas trop l’apprentissage et ne freinent pas trop la socialisation.

Un grand compromis au nom duquel on a par exemple décidé que la classe en entier se transformerait en bulle. On n’y obligera donc pas les enfants à se tenir en tout temps à deux mètres de leurs amis ou à porter le masque du matin au soir.

Un grand compromis adopté, aussi, parce que nous ne sommes pas tous égaux devant la COVID-19 et que les risques d’infection sévère sont nettement moins élevés chez les jeunes.

La pédiatre Marie-Claude Roy souligne qu’il y a eu jusqu’ici environ 6000 cas au pays chez les moins de 18 ans, et seulement une soixantaine d’entre eux ont été hospitalisés (certains pour des raisons qui n’étaient pas liées au virus). Moins de 10 enfants ont dû être transférés aux soins intensifs. Et on n’a signalé aucune mort.

« À titre de comparaison, l’an dernier à l’hôpital Sainte-Justine, il y a eu 185 enfants hospitalisés en raison de l’influenza, 20 aux soins intensifs et un décès », nous a-t-elle fait remarquer.

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Dans l’état actuel de nos connaissances, les mesures prises dans le réseau devraient donc nous rassurer. Et si l’équilibre délicat qu’on tente d’atteindre devait être rompu, des ajustements pourront être apportés rapidement.

Mais cette fois, on devrait pouvoir parler d’adaptation et non d’improvisation. Car on semble avoir franchi un cap important dans le milieu de l’éducation – on a aussi mis de l’avant certaines mesures pertinentes pour le rattrapage et les élèves les plus vulnérables –, et c’est rassurant.

Ça demeure perfectible, bien évidemment.

Mais on a de moins en moins l’impression que l’on construit l’avion pendant qu’il vole.

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