Message au prochain chef du Parti conservateur : se fier à l’avis d’Andrew Scheer serait une très mauvaise idée.

Il y avait quelque chose d’affligeant ces derniers jours à lire les propos du leader sortant de l’opposition, qui faisait sa dernière tournée médiatique alors qu’on devrait connaître dimanche prochain le nom de son successeur.

Ce qu’on en retient ? Deux choses, surtout. La première, c’est qu’Andrew Scheer est prêt à offrir ses conseils au prochain chef. C’est ce qu’il a dit à notre journaliste Joël-Denis Bellavance.

Mais la deuxième, c’est que son avis n’est pas très éclairé, même s’il a eu tout près de 10 mois pour réfléchir aux causes de sa défaite et aux changements nécessaires à la lumière de cet échec. Alors pour les conseils, on repassera…

> Lisez le texte de Joël-Denis Bellavance

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Andrew Scheer s’apprête à passer le flambeau au prochain leader du Parti conservateur du Canada.

Dans une autre entrevue, celle-là accordée à La Presse Canadienne, il résume les défis du prochain chef en affirmant, essentiellement, que ce dernier va devoir communiquer avec authenticité et faire une percée dans les villes et les banlieues.

Pour ce qui est du clivage urbain-rural à surmonter, c’est vrai, ce sera un défi majeur pour les conservateurs lors du prochain scrutin. Mais c’est une évidence.

Ce qui est urgent pour le parti, désormais, n’est pas de poser ce diagnostic, mais de proposer un remède.

Sur papier, il n’y a que 35 sièges qui séparent les libéraux (156) des conservateurs (121) aux Communes. Mais sur le terrain, convaincre les électeurs de ces circonscriptions de voter pour le Parti conservateur va forcément nécessiter un changement de cap. Ça ne se fera pas comme par magie.

Le comble, c’est qu’en se bornant à offrir de tels conseils, Andrew Scheer fait preuve lui-même d’un déficit… d’authenticité ! S’il avait décidé de dire les vraies affaires, il se serait plutôt livré à une vigoureuse séance d’autocritique.

Une réponse honnête aurait par exemple pu prendre cette forme : « J’ai rapidement compris, lors de la dernière campagne, que mes positions et mon ambiguïté sur certaines questions sociales, et par-dessus tout sur l’avortement, représentaient un obstacle insurmontable. Le prochain chef devra prouver aux électeurs que la page est tournée sur le conservatisme social. »

S’il avait été véritablement authentique, il aurait ensuite expliqué que certaines positions du Parti doivent être modernisées. En tout premier lieu sur les questions environnementales.

Si vous en parlez au lieutenant politique du Parti conservateur au Québec, Alain Rayes, il vous dira, pour sa part, que c’est l’une des leçons à tirer de la dernière campagne.

« On ne peut plus passer à côté », nous a-t-il expliqué. Selon lui, sur plusieurs enjeux environnementaux, dont les changements climatiques, il est essentiel de « montrer que le parti conservateur est crédible et peut répondre aux préoccupations d’une majorité de la population ».

Le prochain chef conservateur aura aussi un rôle d’équilibriste à jouer sur la question des finances publiques. Une majorité de Canadiens (78 %) s’inquiète de l’ampleur du déficit, a révélé le mois dernier un sondage de la firme Léger et de l’Association d’études canadiennes. En revanche, les Canadiens sont divisés quant à savoir si le gouvernement « devrait rapidement resserrer ses programmes de soutien aux particuliers et aux entreprises » : 41 % sont en accord et 44 % en désaccord.

La rigueur budgétaire, marque de commerce du Parti conservateur, sera donc un sujet à aborder avec délicatesse. Ça, à tout le moins, Andrew Scheer le reconnaît.

Toutes ces questions – et d’autres encore – devront être réglées rapidement. Dans la foulée du scandale WE Charity (UNIS), le Bloc québécois est prêt à déposer une motion de censure dès le mois d’octobre si Justin Trudeau et Bill Morneau ne quittent pas leurs fonctions.

Des élections pourraient donc avoir lieu à court ou à moyen terme. Élections Canada est même en train d’accélérer ses préparatifs en cas de scrutin hâtif.

À la décharge d’Andrew Scheer, il a peut-être tenté d’éviter de se transformer en belle-mère à quelques jours de l’élection de son successeur. Ce n’est toutefois pas parce qu’on refuse de jouer au donneur de leçons qu’on doit se mettre la tête dans le sable.

Message au prochain chef conservateur : pour séduire davantage d’électeurs à l’est du lac Winnipeg – dont le Québec –, ça va prendre plus qu’une bonne dose d’authenticité.

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